OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pirates de tous les pays http://owni.fr/2012/04/16/pirates-de-tous-les-pays/ http://owni.fr/2012/04/16/pirates-de-tous-les-pays/#comments Sun, 15 Apr 2012 23:40:48 +0000 Aidan MacGuill http://owni.fr/?p=106116

Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate, en Suède en 2009

Le soleil de ce week-end sur la capitale tchèque se conjuguait parfaitement à l’ambiance très optimiste qui régnait parmi plus de 200 délégués des différents Partis Pirates venus du monde entier. Représentants 29 pays, ils se retrouvaient à Prague pour la Conférence du Parti Pirate international, autour de dirigeants encouragés par les succès électoraux que le mouvement connaît en ce moment en Allemagne.

Le bon parti Pirate

Le bon parti Pirate

Le Parti Pirate continue sa progression et entre dans la cour des grands. En Allemagne, le parti politique militant pour une ...

De récents sondages indiquent que le Parti Pirate allemand devient la troisième force politique du pays, tandis que les prochaines élections régionales, au mois de mai, devraient renforcer ses implantations locales.

Avec l’Autriche où le Parti Pirate est crédité de 7 % des intentions de vote, un nombre de militants en augmentation aux États-Unis, au Maghreb et en Europe, les Partis Pirates accèdent ici et là à une véritable reconnaissance institutionnelle – comme en attestait par exemple la forte présence de médias allemands.

Pavel Mayer, élu au parlement de Berlin l’an passé, lors de la première grande victoire électorale du Parti Pirate, se montre optimiste mais prudent :

C’est effrayant. Avec ce succès un grand nombre de responsabilités arrivent, et aussi d’attentes, que nous ne pouvons pas satisfaire. Il y a une évolution qui passe par le parti. Beaucoup de personnes l’ont rejoint, et ils doivent y être intégrés. Aussi ces 10 à 11 % que nous avons atteints signifient-ils plus de travail pour chacun de nous. Et c’est ce qui est effrayant.

Dans ce contexte, à Prague, les débats ont principalement porté sur les prochaines échéances électorales. Avec pour objectif les élections au Parlement européen de juin 2014, pour lesquelles, dans chaque pays, les Partis Pirates présenteront des candidats. À ce titre, la principale mesure décidée lors de la conférence a porté sur la création d’un Réseau européen des Partis Pirates, destiné à coordonner les campagnes et à préparer des coopérations entre les futurs députés. Pour Mikulas Ferjencik, délégué tchèque :

Nous devons nous présenter à ces élections sous le même drapeau.

Sur le fond, les thèmes de prédilection du Parti Pirate – la transparence et l’accès aux processus politiques, les libertés numériques et la réforme des droits d’auteur – semblent rencontrer la curiosité d’un électorat à la fois déçu par les partis conventionnels mais inquiets devant des textes autoritaires et des accords commerciaux préparés à huis clos. Selon Rick Falkvinge, l’un des fondateurs du Parti Pirate suédois :

Ce sont des sujets essentiels et ils ont toujours été essentiels. Le problème c’est que les médias généralistes ne comprenaient pas qu’il s’agissait de sujets majeurs pour les générations connectées (…) Le phénomène n’est pas nouveau. C’était la même chose pour les écologistes ou pour les partis travaillistes. Ils n’étaient pas perçus comme légitime jusqu’à ce qu’ils soient élus. Alors, leurs propositions ont pu acquérir une légitimité – tels les dispositifs reposant sur la solidarité pour les salariés, ou le développement durable pour les écologistes.

Présence du Parti Pirate dans le länder de la Sarre (Allemagne)

De ce point de vue, dans son intervention lors de la conférence, l’auteur et théoricien Cory Doctorow a décrit deux convictions qui se répandraient chez les générations numériques. D’une part, que les politiciens ne les représentent pas (Doctorow parle de « nerd fatalism ») ; d’autre part que leur technologie leur permet de contourner un arsenal législatif restreignant les comportements en ligne. À ce titre, le traité ACTA et les débats qu’il a suscités constituent un point de non-retour, selon Doctorow, mobilisant ainsi toute une population pour laquelle le Parti Pirate défendrait le mieux ses convictions. Pour Rick Falkvinge :

ACTA a certainement joué un rôle à l’échelle européenne, mais aussi, de manière plus décisive, à l’échelle nationale. Si vous observez la Pologne (…) ça a donné au Parti Pirate une base solide pour relancer ses opérations.

En Grèce, trois mois après la création du Parti Pirate, 800 membres avaient déjà été recrutés. Et les sondages créditent maintenant le mouvement de 1 % des intentions de vote pour les élections de mai. Pour Yiannas Panagopoulos, délégué grec :

Beaucoup de gens ne nous connaissent pas encore, mais ceux qui nous ont découverts réagissent très positivement. Ils apprécient que nous utilisions la même démocratie directe dans notre propre parti que celle que nous tenterons de mettre en œuvre au gouvernement. Par opposition aux partis conventionnels, nous offrons la transparence et l’accessibilité.

Cette accessibilité aux processus de décisions politiques, sorte de culture de l’open source appliquée à la gestion des affaires publiques, est un principe fondateur affirmé pour les Espagnols du Parti Pirate catalan (région de Barcelone). Selon Kenneth Peiruza, l’un de ses 762 représentants :

Nous défendons l’accès libre au savoir, à la culture et à l’information. Nous estimons qu’il s’agit d’un minimum de base pour une démocratie en bonne santé (…) Nos membres ont 33 ans en moyenne, généralement ils ont fait des études universitaires. À 70 % ce sont des hommes, comme dans n’importe quel autre parti. Nous sommes majoritairement des enseignants, des professionnels de santé, des artistes et des scientifiques.

Un Acta de guerre

Un Acta de guerre

Samedi dernier, un peu partout en Europe, des dizaines de manifestations se sont déroulées contre l'Acta ; un texte qui ...

Un autre membre de la délégation catalane, Muriel Rovira Esteva, note que les médias généralistes leur proposent maintenant de participer à des émissions grand public après les avoir superbement ignorés lors des trois dernières élections de l’an passé.

Ailleurs, en particulier en France et en Grande-Bretagne, la bipolarisation de la vie politique empêche des petits partis d’émerger véritablement lors des élections nationales.

D’où leur intérêt, dans de tels cas, à miser sur les élections européennes. Pour Ed Geraghty, représentant du Parti Pirate britannique et membre du bureau du Parti Pirate international :

Nous faisons ce que de nombreux autres partis ne font plus – frapper à la porte et discuter avec les gens. Nous tentons surtout de les impliquer dans le processus de vote.

Au-delà de ces enjeux électoraux, la conférence a souligné la portée des débats initialement engagés autour du droit d’auteur et des systèmes de surveillance et de contrôle qui lui sont actuellement associé. Pour Cory Doctorow :

Une fois que vous espionnez les loisirs choisis par une population, vous espionnez l’usage qu’elle fait de ses réseaux, ce qui signifie donc que vous espionnez tout.

D’autres interventions ont permis de dépasser le cadre numérique, étroitement technologique, d’une partie des commentaires et des discussions sur ACTA. Une problématique que Julia Schramm, déléguée allemande, résume en une phrase :

Le Parti Pirate n’agit pas pour Internet ; mais pour la liberté.

De grandes intentions donc. Qui n’empêchent pas les réflexions dignes des professionnels de la politique. Tel Rick Falkvinge, précisant que le plus dur n’est pas de se faire élire, mais d’être réélu.

Retrouvez ici-même tous nos reportages sur les différents Partis Pirates.


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WikiLeaks & associés http://owni.fr/2012/03/02/wikileaks-anonymous-gi-files/ http://owni.fr/2012/03/02/wikileaks-anonymous-gi-files/#comments Fri, 02 Mar 2012 17:46:10 +0000 Aidan MacGuill http://owni.fr/?p=100305

Les dernières publications de WikiLeaks, plus de cinq millions d’e-mails dérobés sur les serveurs de l’entreprise de renseignement privé Stratfor, marquent un nouveau départ pour l’organisation d’activistes de la transparence. WikiLeaks est resté bouche cousue sur la manière dont cette énorme quantité de documents a été obtenue. Un indice, néanmoins : des hackers agissant sous la bannière des Anonymous ont revendiqué l’infiltration des serveurs de Stratfor en décembre 2011.

Plus précisément, l’opération a été menée par le groupe Antisec, une sous-section d’Anonymous qui s’est spécialisée dans ce genre de piratage et dans les attaques par déni de service (DDOS). Dans le cadre de l’opération LulzXmas (Lulz renvoie à un rire grinçant et Xmas à Noël, NDLR), Antisec avait déjà publié des informations personnelles sur les clients de Stratfor. Des numéros de cartes de crédit avaient aussi été utilisés pour faire des dons à des organisation de bienfaisance. L’opération s’était achevée sur la publication de cinq millions d’e-mails, les mêmes que ceux publiés par WikiLeaks depuis lundi.

Insomnies

Sur Twitter, des comptes liés aux Anonymous ont publié des déclarations confirmant le don de ces e-mails à WikiLeaks :

Pour clarifier auprès des journalistes – OUI, #Anonymous a donné à WikiLeaks les e-mails obtenus lors du piratage LulzXmas en 2011. #GIFiles [Le hashtag correspondant à la dernière opération de WikiLeaks, NDLR]

Selon le magazine américain Wired, ce tweet codé de WikiLeaks, publié dans les jours suivant le piratage de Stratfor, servait à confirmer la bonne réception des e-mails :

Rats for donavon.

La collaboration entre les hackers d’Antisec et WikiLeaks est sans précédent et elle débouchera très probablement sur quelques insomnies pour les experts en sécurité des États ou des entreprises dans les semaines à venir. Elle pourrait aussi annoncer un nouvel afflux d’information pour une organisation au bord de la mise à mort depuis quelques temps.

WikiLeaks déshabille Stratfor

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En partenariat avec WikiLeaks, OWNI met en évidence le fonctionnement de l'un des leaders du renseignement privé, ...

Blocage financier

Depuis plusieurs mois, WikiLeaks annonçait la mise en place à venir d’un nouveau portail d’envoi de documents. Qui ne s’est toujours pas matérialisé. Car ce qui reste des forces vives de l’organisation est surtout occupé à lever des fonds et résoudre les problèmes légaux rencontrés par Julian Assange. Les médias se font d’ailleurs l’écho de guéguerres internes et du style de management erratique d’Assange. A l’inverse, le blocage financier exercé par PayPal ou Amazon contre WikiLeaks a souvent été passé sous silence, alors même que les entreprises auraient subi des pressions du gouvernement américain au lendemain du Cablegate.

Yochai Benkler, chercheur en Entrepreneurial Legal Studies à la faculté de droit de Harvard, fait le lien entre ce blocage et les dispositifs prévus par les projets de loi SOPA et PIPA. Si ces mesures étaient entérinées, elles permettraient au gouvernement américain de contourner les contraintes légales habituelles en exerçant une pression directement sur les fournisseurs d’accès à Internet pour qu’ils ne travaillent pas avec certains sites. Dont WikiLeaks.

La nouveauté de ce type d’attaque réside dans le choix de la cible : un site entier, et non des contenus spécifiques. En plus de viser les systèmes techniques, ce nouveau mode opératoire utilise les leviers financiers et commerciaux et se positionne hors du champ légal pour obtenir des résultats que la loi ne n’autoriserait pas.

Il reste que l’expérience de WikiLeaks dans la manipulation et la diffusion d’informations sensibles n’est plus à prouver, en témoigne la dernière opération secrète pour rendre publique les e-mails de Stratfor. Une opération qu’OWNI, comme les 25 autres partenaires médias, a pu suivre de près. Le groupe de hackers Antisec peut certes accéder à d’immenses quantités de données secrètes, matière première de toute organisation médiatique respectable. Mais WikiLeaks est parvenu à coordonner une équipe internationale de journalistes pour justement exploiter ces données, les analyser et les vérifier. WikiLeaks sert donc aussi de tampon, tant moral que légal.

L’attention du grand public a été attirée sur la marque Anonymous quand ses membres ont attaqué les sites de MasterCard, Visa et PayPal, en représailles des sanctions financières décrétées unilatéralement contre WikiLeaks.

Hackers très qualifiés

Pour soutenir des revendications très variées, Anonymous peut faire appel à des hackers qualifiés partout dans le monde. Et nombreux sont ceux qui s’identifient à la cause de la transparence des données, justement défendue par WikiLeaks. Mais Anonymous manque d’expérience dans la diffusion d’informations secrètes. De grandes erreurs ont été commises par le passé, comme avec l’opération DarkNet, visant à mettre au jour les réseaux pédophiles du web. Le résultat de ces publications massives a bien souvent été préjudiciable sur des affaires que les autorités suivaient depuis des mois.

Néanmoins, quelques figures proéminentes des Anonymous, comme le hacker Sabu, ont commencé à demander ouvertement que les futurs documents leur soient adressés directement pour les publier eux-mêmes :

Si vous avez des données à publier (fuites importantes, codes sources, documents en cache, etc.), faites signe à @anonymouStun.

[MàJ] Sur les traces de Lulz Security, les hackers invisibles

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Mais qui est donc LulzSec, ce mystérieux groupe de hackers qui attaque tout ce qui bouge depuis un mois? OWNI est parti à ...

Une contradiction insoluble demeure, cependant. D’un côté, les membres d’Anonymous et WikiLeaks cherchent à ouvrir toujours plus les gouvernements et les entreprises par tous les moyens nécessaires. De l’autre, ils s’indignent lorsque ces mêmes gouvernements et entreprises empiètent sur les droits à la vie privée des citoyens lambda.

Impératif moral

L’examen de conscience reviendra sans doute aux partenaires médias que WikiLeaks invitera lors des prochaines publications. Les Anonymous désireux de commettre autant de piratages que possible ne sont pas prêts de manquer à l’appel. WikiLeaks conserve une croyance ferme en un impératif moral qui justifie la publication de toute information pouvant mettre en lumière ou en difficulté le pouvoir. Beaucoup se sont interrogés sur la valeur des informations de Stratfor rendues publiques. Car la publication de documents dérobés à une entreprise pose de sérieuses questions de morale – même s’il ne s’agit pas d’une entreprise financée par des fonds publics.

Il est pourtant difficile d’avoir de la sympathie pour Stratfor : les e-mails publiés montrent que l’entreprise utilisait elle-même des informations rendues publiques par LulzSec et WikiLeaks pour rédiger leurs rapports, vendus ensuite à prix d’or à leurs clients. Dans un autre e-mail, un analyste de Stratfor évoque les “compétences de hacking assez remarquables” des Anonymous, tout en se demandant si les hactivistes se donneraient un jour la mission de “coordonner une attaque visant à voler du renseignement par exemple”.

Dans les semaines et mois à venir, le niveau de coordination et les compétences en hacking d’Antisec pourraient se préciser, en évoluant peut-être vers une cible plus substantielle qu’une entreprise de renseignement privé qui a tout intérêt à exagérer son accès supposés aux couloirs noirs du pouvoir. Il fait peu de doutes que le résultat de cette opération sera communiqué à WikiLeaks et ses partenaires médias.


Article paru en anglais sur OWNI.eu sous le titre : What’s to Come From an Anonymous-WikiLeaks Partnership?
Traduction par Pierre Alonso pour OWNI
Illustrations FlickR [CC-by] Abode of Chaos

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