OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Mission Lescure impossible http://owni.fr/2012/09/25/mission-lescure-impossible/ http://owni.fr/2012/09/25/mission-lescure-impossible/#comments Tue, 25 Sep 2012 18:47:51 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=120938

Le badge officiel de la mission Lescure officielle

“Je trouve ça pourri !” La mission Lescure, lancée officiellement ce matin par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti commence très fort. Interrogé à la fin de la conférence de presse par Owni sur le boycott annoncé, quelques heures plus tôt, dans les pages de Libération de certains acteurs du secteur, l’ancien boss de Canal Plus s’est dit “ulcéré” :

C’est tant pis pour eux ! Avec cette tribune, ils s’auto-condamnent, ne sont que dans des postures… C’est pourri et plein de mépris !

Pourriture vs caricature

Dans la dite tribune intitulée “Pourquoi nous ne participerons pas à la mission Lescure”, des représentants du collectif la Quadrature du Net, de l’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir et d’un syndicat d’auteurs (le Samup) dénoncent “l’étroitesse de vue de la mission”, qualifiée de “caricature de débat démocratique”. Et égratignent au passage la tête de proue de la réflexion :

Lorsqu’on interroge Pierre Lescure sur sa nomination, il invoque deux qualités pour la justifier : ses relations amicales avec le chef de l’Etat (qui lui ont permis de proposer ses services), et la connaissance des distributeurs et producteurs qu’il doit précisément aux conflits d’intérêt qui devraient interdire de le nommer.

Œil pour œil, le coordinateur de cette mission sur l’Acte 2 de l’exception culturelle suggère une certaine proximité entre les réfractaires et certains gros bonnets du web :

Aucune ligne sur les géants du Net dans cette tribune… Ils auraient pu en parler ! Mais de toute façon, ils n’ont aucun intérêt à voir une régulation du Net !

Contacté par Owni, Édouard Barreiro, en charge des questions numériques à l’UFC répond “être contre la régulation Internet si c’est pour privilégier certaines choses et en empêcher d’autres.” Et de poursuivre :

On ne veut pas cautionner quelque chose qui va nulle part. D’autant plus que Pierre Lescure s’est répandu partout dans la presse sur ce qu’il fallait faire ou pas avant même le début de la discussion ! Par exemple, sur la licence globale “à deux balles”.

Une petite phrase glissée au détour d’une interview à la radio, et qui n’a évidemment pas manqué d’être relevée. A priori ce n’est que le début des réjouissances, même si Pierre Lescure s’est montré plus mesuré à l’occasion de la conférence de presse.

Solution composite

Ainsi, il s’est bien gardé de préconiser tel ou tel remède miracle en matière de culture-à-l-heure-du-numérique. Préférant parler de “solution composite”, incluant pêle-mêle offre légale élargie, régulation, prise en compte des échanges non marchands et “sans doute une tranche de licence globale.” Un mille-feuille extra-large pour une mission tout aussi généreuse. Qui a pour ambition de “lutter contre le téléchargement illégal” en levant les ”entraves au développement de l’offre légale”, tout en poursuivant des “objectifs économiques”, a indiqué la ministre. Et de rajouter :

L’aspect fiscal est un axe majeur du travail sur le financement à l’ère numérique.

Par là, comprendre le mise à contribution des fameux “géants du Net”, en ce moment mangés à toutes les sauces. Car tous les secteurs veulent leur part du gâteau gras de Google. L’industrie culturelle bien sûr, mais aussi la presse : une association, “de la presse d’information politique et générale” (IPG), a récemment déposé un projet de loi en ce sens.

Un dossier également suivi par la mission Lescure, auquel Aurélie Filippetti dit “réfléchir beaucoup.” Et qui vient s’ajouter à l’immense pile des affaires à régler d’ici le printemps 2012. “Car il n’y a pas seulement le cinéma” lance Pierre Lescure. Oh non, il y a aussi la musique, proche d’un certain équilibre certes loin “des années d’or”, le livre, où le “dialogue reste très difficile voire pernicieux”, la photographie, les jeux vidéo et donc, la presse.

“J’ai conscience que vous vous dites : ‘mais, comment vous pouvez faire tout cela en si peu de temps ?’”, lance Pierre Lescure, prudent.

Ca va être difficile. Je ne m’avoue pas vaincu par avance Aurélie [Filippetti, ndlr] mais ça va être dur !

Hadopi, business as usual

Hadopi, business as usual

L'Hadopi bouge encore. Mieux, elle a "accompli ses missions". A l'occasion d'une conférence de presse sur la "réponse ...

Les choses concrètes démarrent dès demain, avec l’ouverture de la centaine de consultations que la mission devrait tenir jusqu’en décembre. C’est notre chroniqueur Lionel Maurel (@calimaq) qui s’y colle en premier ; suivront des acteurs tels l’Alpa, Free, la SACD, Dailymotion ou encore le redouté Google. Le tout dans un esprit d’ouverture affiché.

Un blog participatif sera ainsi suivi et modéré. Certaines contributions pourront être l’occasion de rencontres avec l’équipe de la mission, en marge des auditions déjà fixées.

Un débat présenté comme “multiforme, ouvert et public” par la ministre. Afin de se démarquer de la méchante aura qui colle aux missions organisés sur le même thème par l’ancienne majorité. Se débarrasser de la poisse Olivennes, Zelnik, et bien sûr Hadopi… Dont il a été très peu questions lors de la conférence de presse.

Mais à voir les passes d’arme qui ont zébré la toute première journée de la mission Lescure, il semblerait que ces mauvais souvenirs soient loins d’être derrière nous…

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Libé vampirise les primaires http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/ http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/#comments Tue, 04 Oct 2011 07:27:02 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=82048 Mise à jour: Ce 4 octobre 2011, c’est au tour du favori des sondages François Hollande de se faire tirer le portrait dans Libé:


Et de quatre! La bouille d’Arnaud Montebourg est venue rejoindre le 30 septembre dernier la sinistre galerie des portraits des candidats à la primaire commandés par Libération au photographe Yann Rabanier.

Une série qui a déjà beaucoup fait parler d’elle, dès sa première occurrence, le 20 septembre, commentée notamment sur Culture Visuelle, Rue89 ou Arrêt sur images.

“Certaines photos font plus causer que d’autres” remarque, candide, le journaliste préposé à la réplique sur Liberation.fr, faisant mine de s’étonner qu’on y trouve à redire. Le service photo n’a-t-il pas “agréé” la proposition de Rabanier, qui vise à révéler “le masque que toute personnalité politique adopte”?

Ben voyons. Si les commanditaires sont contents, pourquoi chercher la petite bête? A quoi bon toute cette “agitation” sur Twitter? L’auguste Demorand, à son tour titillé sur Canal +, s’en tire par une pirouette, en évitant de répondre sur le fond.

Un renvoi à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires

L’“agitation” qui a accueilli ces images est pourtant significative, tout comme les nombreuses associations qu’a suscité le portrait de Martine Aubry, qui vont de Blue Velvet à Priest en passant par The Dark Night ou Chucky, mais qui n’évoquent curieusement jamais Mary Poppins ni l’Ile aux enfants.

Que Libération tente de glisser sous le tapis les réactions suscitées par cette série n’est pas surprenant. Il faut pourtant admettre que le coup de projecteur qui isole les contours du visage, faisant flotter dans les airs une tête au teint blafard, n’a rien d’un portrait conventionnel.

Contrairement à ce que croit le critique d’art improvisé Jonathan Bouchet-Petersen, les associations des internautes ne visent pas à repérer l’origine d’une “filiation” iconographique. Les références évoquées proposent plutôt une forme d’analyse sauvage, qui rappelle qu’en matière visuelle comme ailleurs, il existe une culture, des codes, des genres. Pour une grande partie du public, le visage violemment éclairé sur fond sombre renvoie à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires.

Il est peu probable, eu égard à son lectorat, que Libé ait eu l’intention de zombifier volontairement les candidats à la primaire socialiste. Les dénégations du journal suggèrent que le projet était plutôt, en faisant appel à un photographe qui tente de renouveler le genre du portrait, de créer une signature visuelle originale, un signe repérable permettant d’identifier la série.

La “zombification”, un principe frappant

Les contraintes du feuilleton ne laissaient en effet guère de choix. Compte tenu de la dispersion chronologique des interviews, la réutilisation de portraits existants aurait forcément dilué l’unité du projet éditorial. Comparable à celle récemment publiée en couverture du Nouvel Observateur (voir ci-dessus), la commande d’une série ad hoc s’imposait.

Si l’on ajoute que les invitations des candidats, qui se déplacent au journal, sont elles aussi effectuées de manière échelonnée dans le temps, et que le photographe doit réaliser ses prises de vues en fonction de ce calendrier, la solution d’un dispositif facilement reproductible n’était pas une option absurde.

La gestion de cette grille de contraintes était-elle compatible avec le choix du spectaculaire? Plus encore que le portrait politique, le portrait du candidat en campagne se conforme habituellement à la règle implicite d’en présenter une image favorable. Le précédent du portrait du candidat Obama publié par le magazine Time en septembre 2008, qui avait suscité lui aussi la controverse, montre que la marge est étroite. L’art du portrait est un art de l’éclairage et de la gestion de l’expression, où les plus petits détails peuvent faire déraper l’interprétation.

Écrasés par un dispositif sommaire et mal maîtrisé, les candidats socialistes ne sont pas présentés à leur avantage. En revanche, l’effet de signature visuelle de la série, très identifiable, fonctionne à plein. Cet épisode montre quel est le rapport de force entre médias et personnalités politiques en période de campagne, et atteste qu’une série d’entretiens constitue un produit éditorial attractif pour un journal comme Libé. Plutôt que les candidats, c’est bien ce produit que vantent les portraits de Une.

La série de Rabanier n’est rien d’autre qu’une publicité pour un feuilleton maison qui va booster les ventes. La réussite du buzz encouragera peut-être d’autres organes à reprendre ce principe frappant. On n’a pas fini de vampiriser la campagne.


Article initialement publié sur Culture Visuelle sous le titre “Libération vampirise les primaires”.

Illustrations: captures par Culture Visuelle. Photographies des candidats à la primaire socialiste par Yann Rabanier pour Libération

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Les Unes des quotidiens disséquées http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/ http://owni.fr/2011/08/06/dissection-des-couvertures-des-quotidiens/#comments Sat, 06 Aug 2011 14:56:54 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=75525 Bon alors, ils ont quoi dans les tripes les rédacteurs en chef du Monde, du Figaro ou de Libération ? Sont-ils fabriqués dans le même moule ? S’intéressent-ils tous aux mêmes sujets ? Difficile à savoir sans pratiquer d’autopsie, et étrangement, les principaux intéressés n’ont pas l’air de vouloir se laisser approcher par un bistouri. Ne pouvant donc pas pratiquer selon les méthodes pourtant éprouvées de l’ami Dexter, il n’y a qu’une solution pour répondre à la question : passer au scanner leurs choix de Une. Bref, regarder de près le fruit de leurs entrailles.

Si la méthode est moins médicale, elle est riche d’enseignements journalistiques. C’est ainsi qu’il y a quelques mois, nous avions pu déceler les symptômes de sarkozyte aigüe, à tendance immobilière et franc-maçonne, qui frappait de plein fouet les rédacteurs en chef du Nouvel Obs, de L’Express et du Point.

Alors, docteur, quels ont été les sujets les plus traités, les plus mis en valeur par les trois principaux quotidiens nationaux français ? Une fois que l’on a épluché les 384 Unes du Monde, du Figaro et de Libé entre mars et juin dernier, quel est le diagnostic ? Les analyses du labo sont formelles. On retrouve les traces récurrentes des mêmes quatre principaux sujets, qui ont représenté la bagatelle de 242 titres en Une au total : le Japon, la Libye, DSK, et Ben Laden.

À votre avis, quel sujet est le plus revenu à la Une ? À vous de voter.

L’affaire DSK ? Vous y avez pensé, avouez-le mauvaises langues ! J’en soupçonne même un ou deux d’avoir commencé à affuter les arguments pour fustiger les médias qui, décidément, ne s’intéressent qu’au superflu pendant que le monde flambe. Eh bien non ! La fièvre DSK a certes touché l’ensemble de nos rédacteurs en chef, mais sans plus. Les analyses le prouvent, avec 42 mentions à la Une en quatre mois pour les trois journaux, son “taux d’occupation de Une” est nettement au-dessus de la moyenne, mais rien de mortel là-dedans.

Bien sûr, tous les patients ne sont pas égaux devant ce genre de virus. Ainsi Le Figaro semble avoir été nettement plus touché que ses confrères en plaçant 20 fois DSK à la Une devant Libération (13 fois) et Le Monde (9 fois).

Et ce n’est pas la seule surprise lorsque l’on regarde les résultats complets de l’autopsie :

Un grand merci à Agnès Stienne qui a résumé en un graphique (à droite sur l'image) mon long billet... Comme quoi, une mise en scène efficace vaut souvent mieux que quelques milliers de signes !

Même la mort de Ben Laden n’a finalement pas beaucoup touché nos rédacteurs en chef. Alors que tout semblait réuni pour faire de cette info un véritable virus de Une pendant des semaines et des semaines, la disparition de l’homme le plus recherché de la planète n’aura finalement été qu’un “bouton” rapidement disparu, une fièvre très passagère. Le Figaro n’y aura consacré que 6 titres de Unes au total, Libération 5 (dont un numéro spécial) et Le Monde 4…

L’incroyable succession de catastrophes ayant frappé le Japon, le bilan particulièrement lourd (10 000 morts et 17 000 disparus), la psychose nucléaire, tous les ingrédients étaient réunis pour en faire LE sujet n°1 de ces quatre mois. Et le score est en effet honorable, exceptionnel même par rapport à une année “normale” : 26 titres de Unes pour Le Monde, 23 pour Le Figaro et 13 pour Libération, auxquels il faut ajouter un numéro spécial Japon de Libé et un autre du Monde.

Mais le sujet champion toutes catégories de ce début d’année, la fièvre qui a véritablement touché nos rédacteurs en chef, c’est bel et bien le conflit libyen qui semble être monté directement aux cerveaux de nos patients. Si Libération en a beaucoup parlé en Une (21 fois en quatre mois), Le Monde (44) et surtout Le Figaro en ont proposé une couverture quasi non-stop en vitrine. Pour Le Figaro, on retrouve en effet les traces de quelques 61 titres de Une consacrés à la Libye sur les 96 analysées. En mars, par exemple, à une seule exception près (le vendredi 15), Le Figaro a toujours consacré au moins l’un de ses titres de Unes à la Libye. Impressionnant !

Et la poussée de fièvre a été aussi longue qu’intense, puisqu’elle a duré pendant les quatre mois passés en revue. Au total, chez nos amis du Figaro, la Libye a été à la Une près d’un jour sur deux sur cette période !

Comment expliquer cela ? Difficile… Bien sûr, il faut prendre en compte les différences mêmes de construction de Unes des trois quotidiens. Celle du Figaro proposant nettement plus de titres chaque jour que celle de Libération ou du Monde, il n’est pas étonnant que la récurrence de certains sujets y soit plus importante.

Application de la fameuse “loi” journalistique du mort-kilomètre ?

On pourrait imaginer qu’une sorte de “répartition” naturelle se fait entre les trois titres concurrents. Lorsque Le Figaro et Libération décident de monter en Une très, très souvent le conflit libyen, le quotidien du soir joue une petite musique différente en se consacrant plus au Japon (deux fois plus que Libé par exemple). On pourrait aussi penser que la fameuse et cynique loi du mort-kilomètre, que l’on enseigne dans toutes les écoles de journalisme, est toujours valable en 2011, tout du moins dans le cerveau des rédacteurs en chef. 1 600 morts à 3 000 kilomètres intéressent plus les journalistes que 10 000 morts 10 000 kilomètres.

Sans pouvoir donner un diagnostic simple expliquant tous ces choix (on n’est pas chez le Dr House ici, l’alchimie de la construction des Unes par une équipe au fil des mois est on ne peut plus complexe), se pencher sur ces différences de choix et de hiérarchisation d’une actualité foisonnante est intéressant.

Quand Libé utilise visiblement sa Une en misant sur l’événement qui efface tout le reste de l’actualité (Ben Laden, DSK ou le Japon seuls en Une avec une photo pleine page), Le Figaro semble vouloir jouer la carte de la fidélisation en feuilletonnant un maximum. Le Monde, lui, s’installe dans la durée, dans le droit de suite en étant le seul des trois quotidien à s’intéresser aussi longuement au Japon, avec encore trois sujets en Une au mois de mai (aucun pour Libé, un seul pour Le Figaro).

Cette autopsie permet au passage de relever quelques symptômes inattendus et bénins. Ainsi, Le Monde qui semble avoir fait une poussée d’antigalonnite à la mi-mars. Jusqu’au 14 mars, à chaque fois que le quotidien du soir évoque le leader libyen en Une, il titre ” le colonel Kadhafi “. À partir du 15 mars, le grade de celui-ci disparaît systématiquement pour faire place à un simple “Kadhafi “.

Le Figaro quant à lui, est le seul des trois patients a avoir montré des signes de sinclairose légère en mettant deux fois à la Une l’épouse de DSK (24 mai et 10 juin). Allez, on referme le frigo et on garde les spécimens au frais. Quelque chose me dit qu’il sera intéressant de continuer à les disséquer dans les mois à venir. Une pandémie du virus 2012 se profile à l’horizon…


Article initialement publié sur Cross Média Consulting sous le titre : “Autopsie des rédac’s chef de Libé, Le Monde, Le Figaro

Crédits Photo FlickR CC by-nc gelle.dk

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Libération se casse les dents en région http://owni.fr/2011/04/02/liberation-se-casse-les-dents-en-region/ http://owni.fr/2011/04/02/liberation-se-casse-les-dents-en-region/#comments Sat, 02 Apr 2011 13:45:04 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=54834

Libération est-il vraiment un quotidien national ? La question est volontairement provocante, mais elle est pourtant d’actualité depuis que l’on a appris la décision du journal de mettre fin à quatre de ses sept blogs locaux : LibéRennes, LibéLille, LibéStrasbourg et LibéOrléans.

Un choix révélé le 17 mars par le Mensuel de Rennes et qui met donc fin à une expérience de trois années du blog rennais de Libé, tenu depuis 2008 par Pierre-Henri Allain, correspondant-pigiste du journal en Bretagne depuis 1987. Trois années durant lesquelles il a été seul à piloter cette édition numérique locale du journal et à publier “au moins une histoire par jour “.

La raison invoquée par la rédaction en chef de Libération pour expliquer cette fermeture : “c’est une expérience que nous avons mené pendant 3 ans, mais il est difficile d’atteindre la taille critique pour trouver le bon modèle économique. Nous en tirons les conséquences et arrêtons ces quatre Libévilles pour pouvoir nous recentrer sur ceux installés dans des villes où nous disposons de correspondants permanents, explique Ludovic Blecher. Cela ne retire rien de la volonté de Libération d’être présent dans toutes les régions. Internet est l’endroit où l’on peut essayer ce type d’expérience, nous l’avons menée pendant trois années, mais il n’y a pas de modèle publicitaire. Ça nous fait mal au cœur d’arrêter cela, car nous y tenions, mais il n’y a pas de modèle économique basé sur la publicité ou sur les partenariats.

Il est vrai qu’avec 3.360 pages vues pas jour, LibéRennes par exemple, ne s’est pas imposé comme un rendez-vous incontournable de l’info locale. Mais à qui la faute ? Comme l’explique Pierre-Henri Allain, le journaliste en charge du blog : “Libé n’a jamais levé le petit doigt pour chercher des sources de revenus et n’a même pas donné suite à des annonceurs qui se proposaient de publier des pubs. La direction, qui nous a averti par courrier à la mi-février, nous a répété que la qualité de notre travail n’était pas en cause mais qu’ils avaient sans doute vu trop grand en voulant lancer coup sur coup autant de Libévilles sans avoir véritablement les moyens humains et financiers de les accompagner et de les développer. D’où un constat d’échec au final les obligeant à faire machine arrière.”

L’info locale demande des investissements conséquents pour réussir

Si le résultat n’était pas la fin de cette expérience, on pourrait s’amuser du discours contradictoire du journal : Libé a donc vu trop grand en voulant s’implanter ainsi dans les capitales régionales. Trop grand ? En confiant son implantation bretonne à un rédacteur isolé, au statut de pigiste avec un forfait mensuel de 20 piges ? Au contraire, Libé, comme beaucoup de médias nationaux lorsqu’ils veulent s’implanter localement a peut-être vu “trop petit” dans son expérience.

Une véritable ambition sur l’information locale aurait pourtant un sens pour Libé, comme pour tous les quotidiens nationaux. Mais l’info locale, comme l’info internationale ou nationale, est un vrai métier, demande une véritable expertise et des investissements conséquents pour réussir.

Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour deviner qu’il sera bien difficile de rendre rentable une présence régionale, quand bien même numérique et sous forme de blog avec un investissement si limité. On demande un papier quotidien à un journaliste pigiste et on espère que cela suffira pour que les presque 600.000 habitants de l’aire urbaine rennaise (pour ne parler que d’eux) se précipitent en masse sur le blog et que la publicité tombe toute seule.

Il n’y aurait donc pas besoin d’un commercial pour vendre, et le pigiste local est prié de se débrouiller seul, très seul comme l’explique Pierre-Henri Allain : “Les contacts avec la rédaction centrale se réduisent au minimum. Je les alerte lorsque j’estime qu’un de mes sujets mériterait une “remontée” en “home” sur libération.fr et ils me signalent de leur côté les “bonnes histoires” qui auraient pu m’échapper. Sinon aucune conf de rédac,  je suis entièrement libre de mes choix éditoriaux.”

Une liberté qui, si elle a ses bons côtés, peut aussi laisser penser que le journal ne suit qu’avec un intérêt très limité son blog local qui aura vécu sa vie seul pendant trois ans avant que le couperet tombe : fermeture. L’info régionale et locale, ce n’est pas de la magie, c’est un métier d’experts, comme les autres types d’infos, il ne suffit pas d’apposer une marque si prestigieuse soit elle pour que ça marche. Il faut aussi investir et s’investir pour avoir une chance de percer et les quotidiens nationaux se cassent régulièrement les dents sur cette problématique.

LibéRennes : en trois ans, “aucun sujet n’est passé sur Libé papier

Libération n’en est pourtant pas à sa première tentative pour s’implanter sérieusement “en région”, puisqu’ils avaient lancé Lyon Libération en 1986, expérience qui avait tenu jusqu’en 1993.

Car, du potentiel, les quotidiens nationaux en ont en dehors de Paris ! Les aires urbaines des quatre blogs que Libération s’apprête à fermer, représentent presque 2,8 millions d’habitants et des zones dans lesquelles le quotidien papier n’est vendu qu’à quelques (dizaines ?) de milliers d’exemplaires chaque jour. On voit la marge de progression et l’outil formidable qu’une édition numérique performante, innovante et soutenue peut représenter pour “installer” Libération dans les habitudes de consommation médias des lecteurs de ces zones.

À condition d’y investir de vrais moyens et de mettre en place une vraie synergie entre le quotidien national et ses blogs régionaux. Il est très révélateur de constater qu’en trois ans, sur les centaines d’articles rédigés par le journaliste local en charge de LibéRennes, “aucun sujet n’est passé sur Libé papier“. Dommage, cela aurait peut-être convaincu un peu plus de Rennais, d’Orléanais, de Strasbourgeois et de Lillois d’acheter cette édition papier qui, avec 118.717 exemplaires vendus chaque jour (OJD), se classe 16ème quotidien… régional de France seulement. Un coup de boost sur ses ventes “en région” ne serait donc pas de trop !

Une pétition à Orléans

La décision sera-t-elle maintenue ? Sans aucun doute, et elle laissera un goût amer à ceux qui y ont participé, mais aussi à tous ceux qui savent combien la demande d’info locale est forte et prête accueillir de vraies propositions alternatives.

A Orléans, une pétition a été mise en ligne pour demander à Nicolas Demorand, nouveau patron du titre, de ne pas fermer LibéOrléans. Elle a déjà recueilli un peu plus de 400 signatures. Les mauvaises langues diront que c’est sans doute plus que les ventes quotidiennes du journal dans la ville d’Orléans. Les optimistes répondront que cela permettra peut-être à Libé de changer d’avis et de prouver que le journal a plus d’ambition que d’être un quotidien parisien, réalisé par des Parisiens pour des Parisiens…

Billet initialement publié sur Cross Media Consulting sous le titre “Libération se casse les dents à Rennes, Orléans, Strasbourg et Lille”

Image Flickr AttributionNoncommercialShare Alike Chris Daniel

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Le Président, la légende et le flash-ball http://owni.fr/2011/02/24/le-president-la-legende-et-le-flash-ball/ http://owni.fr/2011/02/24/le-president-la-legende-et-le-flash-ball/#comments Thu, 24 Feb 2011 10:13:39 +0000 Olivier Beuvelet http://owni.fr/?p=48128 A mi chemin entre Les Incorruptibles de De Palma et Les Affranchis de Scorcese, nous avons la chance, en France, d’avoir Les pizzaiolos, les quatre mousquetaires de l’ultra-sécuritaire, Luca, Mariani, Estrosi et Ciotti qui ont largement inspiré Nicolas Sarkozy cet été. Malgré les écueils politiques qui menacent cette navigation à vue derrière le FN, qui lui a déjà valu des déboires dans l’opinion publique, le président s’est saisi d’un fait divers atroce pour ressortir ses biscotos et montrer son sens tout Bronsonien de la justice.

La légende du président policier est restaurée pour l’occasion. Dans le droit fil des enseignements politiques qu’on peut tirer des romans de James Ellroy racontant comment les pontes du LAPD tenaient Los Angeles en coupe réglée durant les années cinquante. Faire peur d’un côté et incarner l’ordre, engendrer le désordre et arriver avec la cavalerie. La recette est déjà vieille, mais quand on a plus d’inspiration, il faut bien compter sur la crédulité du peuple…

Mais la légende la plus intéressante ici n’est pas celle qu’essaie désespérément de raconter notre président policier du dimanche, c’est plutôt celle de l’image que Libération.fr a choisie pour illustrer son article [du 4 février, ndlr] sur la sortie du président contre les faiblesses d’un système judiciaire qu’il a lui-même affaibli.

Nicolas Sarkozy armé d’un Flash-Ball à Orléans jeudi.

La légende est surprenante s’agissant d’une visite présidentielle très solennelle où aucun danger ne menaçait directement le président, si ce n’est celui de faire bien pâle figure dans la course à l’Elysée. Pourquoi s’est-il armé ? Pour arrêter qui ? Pour chasser quoi ?

L’homme d’action

Entre tenir une arme et en être armé il y a un pas menaçant que la légende de Libération.fr fait franchir à Nicolas Sarkozy… Ainsi, on ne nous dit pas qu’il tient un Fash-Ball mais qu’il en est armé. Comme Poutine, notre président est d’abord un homme d’action, un cow-boy, l’homme qui tua Liberty Valence. Alors “Print the legend”. L’heure est grave, le président s’est donc armé.

La précision n’a d’ailleurs aucune utilité, Nicolas Sarkozy ne fait rien de particulier avec ce Flash-Ball, il le tient maladroitement et c’est probablement la raison pour laquelle son entourage immédiat ne quitte pas l’arme des yeux. C’est que malgré tout, le Flash-Ball est dangereux. Et vu le regard vide, la mine défaite et la pâleur du président, il est compréhensible que ses amis se méfient… Joe Pesci avant de tirer dans le tas n’a pas, dans les films de Scorcese, un visage très différent.

Le jeu de Libération.fr est précisément dans cette figure de rhétorique visuelle que la légende ambiguë vient discrètement cadrer. L’exagération ironique…  Sarkozy est “armé” et l’image, aux tonalités chromatiques grisâtres, en contre plongée accentuée, légèrement surexposée, montrant des hommes sévères dont certains portent des uniformes, évoque les affiches de films de flics, ou de gangsters. C’est ici sur le registre visuel que joue l’image, représentant une sortie politique sécuritaire sur le registre visuel de l’affiche de film de Tough guys, soulignant cette virilité guerrière par la légende de l’image, cette photographie de presse se présente comme une parodie qui dénonce elle-même une parodie. Une fiction trop voyante qui montre une fiction trop voyante… A ce degré de recul humoristique, le trait est sacarstique et inattaquable.

Reste à savoir si les électeurs y verront plutôt une évocation des Incorruptibles ou plutôt une résurgence des affranchis.

Article initialement publié sur le blog d’Olivier Beuvelet Parergon

Illustration : Parergon / FlickR CC Shaun Wong

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Le regard Möderne de Bazooka http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/ http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/#comments Thu, 03 Feb 2011 11:16:10 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=45109 Jeunes gens de l’ère Numerik, saviez-vous qu’il y a plus de trente ans d’autres jeunes gens portaient un Regard résolument Möderne sur le monde ? Sans Mac, sans palette graphique ni Internet, à la colle et au ciseau, à la sérigraphie et à la ronéo, ils inventèrent un graphisme délibérément CyberPunk et Növo.

Prenant d’assaut le “Libération” baba cool des Seventie’s, le collectif Bazooka emmené par Kiki Picasso s’empara de la Une du journal pendant plusieurs semaines, multipliant les provocations Punk et Dada…

Anarchy in Libé, croix gammées et épingles dans le nez, esthétique fleurant bon la Propaganda des années 30 et le surréalisme socialiste, art de rue façon émeute white riot…Profondément marqué par le pop-art de Warhol et Roy Lichtenstein, et surtout par l’esthétique de la furia Punk déferlant d’outre-Manche, ces jeunes gens mödernes d’hier ont inspiré à leur tour toute une génération d’artistes underground des années 80 (MissTic notamment) jusqu’à aujourd’hui.

J’en parle, car leur univers visuel m’a profondément marqué ado, à la Une de “Libé” ou de “L’Echo des Savanes”, sur les affiches de concert et au Forum des Halles où trainaient toute la faune keupon du tournant des années 80. J’en parle aussi parce que d’une certaine manière, je retrouve un peu de l’esprit Bazooka chez mes jeunes amis d’Owni, où Vendredi c’est toujours Graphisme.

J’en parle enfin parce le travail de Kiki, Loulou et les autres est en vedette à la Villa Medicis de Rome dans le cadre de l’exposition “Europunk” (La culture visuelle en Europe 1976-1980). “Libé”, évidemment, y consacre un article avec ce diaporama en prime. Quelque 550 objets ont été rassemblés auprès de collectionneurs privés ou musées. Certains sont célèbres, tel le fameux portrait de la reine d’Angleterre les yeux barrés de la mention «God Save The Queen» créé par Jamie Reid pour les Sex Pistols. D’autres sont plus underground comme ces dessins, collages, fanzines et affiche de concerts réalisés par Bazooka.

“Dictature graphique”

Une de "Libé" sur la RAF (1977)

Pour autant, les graphistes destroy de Bazooka n’ont jamais vendu leur âme au veau d’or de l’Art Business. Christian Chapiron (Kiki Picasso), Jean-Louis Dupré (Loulou Picasso), Olivia Clavel (Electric Clito), Lulu Larsen, Jean Rouzeau et les autres sont tous sortis des fameux ateliers graphiques des Beaux Arts au mitan des années 70…ceux là mêmes où leurs aînés soixante-huitards avaient révolutionné une première fois l’art graphique avec leurs affiches du joli mois de mai. Après s’être fait les dents sur le fameux magazine “Actuel” de Jean-François Bizot, ils lancent dès 1975 leur Bazooka Production qui donnera naissance à une foule de fanzines bien barrés: “Bien dégagé autour des oreilles”, “Activité sexuelle normale” etc…

En 1977, c’est l’explosion Punk et nos jeunes gens mödernes deviennent carrément tendance: “Charlie”, “L’Echo des Savanes”, “Metal Hurlant”, “Hara Kiri”…tout la presse chevelue se les arrache pour se donner un coup de jeune: collages, sérigraphies, imagerie nazie ou soviétique détournées…tout est bon pour semer le chaos. Kiki Picasso parle de “dictature graphique” ! Concept poussé jusqu’au bout lorsque Serge July, toujours à l’affut des nouvelles tendances à la bonne ou mauvaise idée (c’est selon) de les contacter pour illustrer “Libé”. Choc des cultures entre ex-Maos et punks anarchisants bien décidés à foutre la merde chez les journaleux gauchos. Il en sortira quelques Une mémorables et surtout “Un Regard moderne”, un mensuel résolument novateur à tout point de vue, “Növo” comme on disait à l’époque, qui durera six mois…Las de leurs provocations, “Libération” finira par expulser les squatteurs graphiques.

La légende est née. Mais à la fin des années 70, le groupe éclate et les membres de Bazooka poursuivent chacun leur aventure individuelle, tombant un peu dans l’oubli au cours des sinistres années 80 marquées par la vulgarité clinquante de la Pub TV et des années fric. Mais en 2002, Loulou Picasso a relancé “Un Regard moderne” sur Internet et a ressuscité à sa manière le vieux collectif en l’ouvrant à Kiki Picasso et Olivia Clavel. De son coté Jean Rouzaud, qui fut exclut de Bazooka pour “conformisme”, travaille aujourd’hui à Radio Nova… On en est là.

Provocation-récupération, digestion par la société de consommation, consécration sous les ors de la République à la Villa Medicis…la boucle No Future est bouclée.

Cela mérite bien une bande-son made in 1977: “Anarchy in UK” des Sex Pistols:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et voici ce que cela donne version punk “made in France”.
“Hysterie Connective” de Metal Urbain (1978), un titre que l’on trouve précisément sur la compilation “Des Jeunes Gens Modernes” parue en 2008. Cela une bonne idée de l’ambiance musicale dans laquelle travaillaient les gens de Bazooka:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et pour conclure, voilà bien entendu une petite rétrospective en images du travail de Bazooka:

…et en bonus, cette rare apparition télé du collectif Bazooka (retrouvée par feu l’excellente émission “L’Oeil du Cyclone sur Canal +) où l’on voit Jean Rouzaud se défendre de faire de la bande dessinée (“en BD il y a des règles, pour nous il s’agit de ne surtout pas les respecter”), Lulu Larsen assurer “attendre la prochaine catastrophe aérienne pour en faire un dessin” ou encore Loulou Picasso expliquer “dessiner des images comme on en chante dans le rock”. Action !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Sinon Kiki et Loulou Picasso ont toujours un blog où l’on peut voir leur travail passé et récent. Allez y faire un tour…35 ans après les débuts de Bazooka, ils sont toujours résolument Mödernes !

>> Article publié initialement Sur mon écran radar

Voir aussi l’entretien entre de Loulou Picasso et L.L. de Mars à propos de Bazooka

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http://owni.fr/2011/02/03/le-regard-moderne-de-bazooka/feed/ 15
Le “fact-checking” peine à s’imposer en France http://owni.fr/2010/11/18/le-fact-checking-peine-a-simposer-en-france/ http://owni.fr/2010/11/18/le-fact-checking-peine-a-simposer-en-france/#comments Thu, 18 Nov 2010 17:03:41 +0000 Lorrain Sénéchal http://owni.fr/?p=36186 Face à l’avalanche de chiffres, à la pluie d’affirmations pendant la dernière campagne présidentielle, des journalistes ont décidé de les vérifier : des blogs comme “les Décodeurs” sur leMonde.fr, des rubriques telles qu’”Intox / Désintox” dans Libération, ont vu le jour.

Cette pratique du journalisme, appelée  fact checking, est issue des pays anglo-saxons. Aux États-Unis, plusieurs sites Internet ne s’attachent plus qu’à cela. Le plus connu est politifact.com. Ce site, projet du quotidien floridien St. Petersburg Times, est devenu une référence, s’octroyant même un des prix Pulitzer décernés en 2009.

Aux États-Unis, les journalistes sont beaucoup moins gentils envers les hommes politiques qu’en France, explique Elaine Cobbe, correspondante de la chaîne américaine CBS News en France :

Nous partons du principe que les hommes politiques sont des représentants du peuple, qu’ils sont payés par nos impôts, et qu’ils doivent nous rendre des comptes. Les journalistes sont un peu le pont entre le peuple et les hommes politiques.

Cette différence entre les pays anglo-saxons et la France vient de l’origine même du journalisme. “En France, c’est beaucoup plus littéraire, soutient Elaine Cobbe, parce que les premiers journalistes étaient aussi écrivains. En Angleterre et aux États-Unis, c’est devenu un métier beaucoup plus tôt, avec un objectif : vérifier les faits”.

Des Internautes spécialiste

Et aujourd’hui, certains journalistes français comptent bien suivre cette conduite. “Il y a une méfiance vis-à-vis des hommes politiques, mais aussi vis-à-vis des journalistes”, affirme Nabil Wakim, journaliste au monde.fr et rédacteur aux Décodeurs. Le fact checking est peut-être le moyen de redorer le blason des journalistes.

Le phénomène est arrivé en France avec le tournant qu’a pris la communication politique, analyse-t-il, qui nous bombarde de chiffres. Forcément, les gens s’interrogent

Grâce à Internet, les journalistes peuvent de plus faire appel aux contributions des lecteurs directement. A l’occasion de l’interview du président de la République, mardi soir, nous avions organisé un forum en direct en essayant, avec l’aide des Internautes, de décortiquer les affirmations de Nicolas Sarkozy, témoigne-t-il. Il y a beaucoup de spécialistes parmi les internautes, et certains nous envoyaient des documents qui prouvaient que Nicolas Sarkozy avait tort !”

Autre motif de satisfaction, les lecteurs renvoyaient parfois sur des articles des Décodeurs, ou de la rubrique Intox/Désintox de Libération, notamment sur les erreurs du Président sur la fiscalité allemande. Mais Nabil Wakim n’est pas naïf, il sait qu’on est encore loin du succès de politifact.com.

Cercle vicieux

“Les Décodeurs est un peu en sommeil”, explique-t-il. “Nous ne sommes que deux pour l’instant.” A Libération, même constat. “Intox / Désintox n’est pas installé dans le journal”, confie Cédric Mathiot, journaliste en charge de la rubrique. “Je suis tout seul, et je ne peux pas tout vérifier, c’est un boulot énorme.”

Il ne comprend pas pourquoi le journal ne donne pas plus de place à sa rubrique : “J’ai de très bons échos des lecteurs ou d’autres journalistes. Mais Libération n’a pas d’argent pour augmenter l’effectif, et n’a pas la volonté d’augmenter la pagination. Mais c’est un cercle vicieux, parce que la rubrique ne devient toujours pas un rendez-vous installé dans l’esprit des gens.” Par conséquent, “Intox / Désintox” reste une rubrique “bouche-trous”, comme le déplore Cédric Mathiot.

Par le manque de moyen et une prédisposition culturelle à la “gentillesse” envers les hommes politiques, le fact checking ne s’installe que très lentement en France. “Les députés français ne savent même pas que cela existe”, assure Samuel Le Goff, attaché parlementaire de Lionel Tardy, député UMP de Haute-Savoie. “En fait, c’est encore la télévision qui les inquiète. Ils ont peur d’être filmé à leur insu et de passer dans une émission comme ‘Le Petit Journal’.”

Les députés ont donc plus peur de leur image que du mensonge. Il est temps que le fact checking s’impose en France.

[NDLR] De temps à autres, quelques projets de fact-checking sont menés par des pure-players comme Rue89 à l’occasion du dernier entretien télévisé de Nicolas Sarkozy. La soucoupe suit bien évidemment tout cela de très près…

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Article initialement publié sur Pour quelques lecteurs de plus, le blog des étudiants du CFJ consacré au suivi des Assises du Journalisme

Crédits photos CC FlickR Stéfan

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Les pires ennemis de la presse? Les serial-éditorialistes http://owni.fr/2010/10/11/les-pires-ennemis-de-la-presse-les-serial-editorialistes/ http://owni.fr/2010/10/11/les-pires-ennemis-de-la-presse-les-serial-editorialistes/#comments Mon, 11 Oct 2010 15:11:39 +0000 Erwann Gaucher http://owni.fr/?p=31048 Quel est le pire ennemi de la presse ? Le web bien sûr ! Ce lieu vaguement satanique où l’information est gratuite.

À en croire une bonne partie des responsables des journaux français le débat semble se résumer à l’anathème lancé sur la toile, responsable de tous les mots des journaux ou à peu près.
Pour ma part, j’identifie un ennemi bien plus dangereux pour la presse : les serial-éditorialistes. La preuve avec la lecture de l’édition de ce lundi 11 octobre de Libération qui s’attaque frontalement aux bobards lancés à gauche comme à droite à propos de la réforme des retraites.

Une remise en cause de la parole des politiques de plus en plus rare dans la presse

En consacrant leur Une aux ” bobards qui faussent le débat ” sur les retraites, Cédric Mathiot et Luc Peillon pointent et remettent en cause l’impressionnante série d’approximations plus ou moins volontaires, d’erreurs voir de grossiers mensonges proférés par l’ensemble des politiques dans le débat sur les retraites. Et proposent du même coup les 4 pages les plus intéressantes que j’ai lu sur cette réforme depuis un mois.

La valeur ajoutée de ce dossier, de ce travail de remise en cause de la parole publique est évidente et justifie amplement de payer pour accéder à cette information. Ce qui n’est pas si répandu dans l’offre éditoriale des journaux français.

À force de ne plus systématiquement vérifier et remettre en cause la parole publique, les journaux ont été supplanté par le web pour répondre à cette attente du public.

Dans ce dossier, deux citations ont un écho particulier dans le grand débat de la valeur de l’information. La première est de Jean Veronis, linguiste :

Avant, un politique confondu essayait de sauver la face. Ce n’est plus une catastrophe d’être pris. Il n’y a plus matière à humiliation (…) un mensonge est dénoncé mais l’élastique revient en position initiale, comme s’il ne s’était rien passé. C’est assez surprenant. Dans le même temps, il y a de plus en plus de citoyens vigilants concernés par ces questions. Sur Internet, des blogs traquent les mensonges.

Un constat révélateur. À force d’avoir trop oublié cette fonction de vérificateur de la parole publique, les journaux traditionnels ont été petit-à-petit supplantés dans ce rôle dans l’esprit du public. Et il est vrai que trop de journaux ont, si ce n’est abandonné, du moins réduit a la part congrue cette vérification factuelle de la parole publique.

Migration des journaux vers le web, à tort et à raison

Au fil du temps, le grand public a plus ou moins cessé de rechercher cette fonction dans les journaux. Quand à la partie des lecteurs les plus intéressés, qui devrait constituer le cœur de cible de la presse, elle a commencé à aller chercher ailleurs, en partie à tort mais souvent à raison.

À raison, car ils trouveront beaucoup plus d’interviews croisées (un représentant du parti A énonce sa vérité, un représentant du parti B la sienne) que de véritable travail de vérification tel que celui proposé ce lundi dans Libération.

À raison, car ils sont plus souvent abreuvés de tribunes d’éditorialistes ayant un avis général sur tout et n’importe quoi (et surtout sur n’importe quoi diront les mauvaises langues) que d’articles basés sur la vérification méthodique et systématiques des chiffres lancés par les acteurs du débat public afin de les expliquer, les mettre en perspective et les infirmer haut et fort si besoin.

À tort, car malgré tout, cette mission éditoriale de “vérificateur” subsiste, même si elle n’est pas forcément mise en valeur. On la retrouve par exemple (pas assez) régulièrement avec la rubrique intox/desintox de Libération et il existe des îlots éditoriaux de cette qualité dans la plupart des quotidiens nationaux. On peut leur reprocher de n’être ni assez nombreux ni assez mis en valeur,  mais l’on peut aussi reprocher aux lecteurs de ne pas s’y intéresser plus que cela.

À torts partagés enfin, car le public est responsable de se laisser prendre dans un piège très bien identifié par Jean-Louis Malys, secrétaire en charge des retraites à la CFDT :

Quand le Premier ministre lâche une contre-vérité devant des millions de téléspectateurs [Fillon sur M6 dimanche 3 octobre], il sait qu’il touchera un plus large public que le démenti le lendemain dans le journal.

Mais il est bien aidé par des complices qui le poussent allégrement dans ce piège : les tenants de la parole public et les serial-éditorialistes.

Des interviews sans vérification

N’ayant la plupart du temps face à eux non pas intervieweurs mais des présentateurs, les tenants de la parole publique (politiques, économistes, patrons, parfois même sportifs) n’ont pas à redouter de vérification et donc de remise en cause de leur parole. ils peuvent alors se concentrer presque uniquement sur la mise en scène de leur message.

À ce titre, les journaux télévises ont fait mille fois plus de mal a la presse papier que le web, puisqu’ils ont habitué le public a se passer de vérification. Ce ne sont plus les affirmations qui sont vérifiées et éventuellement remises en cause, mais la personne. Ne reste alors que la forme du message (le président a-t-il été “bon” le 14 juillet face à Pujadas, Eric Woerth avait-il “l’air sincère” devant Ferrari ?) et non le fond.

Des serial-éditorialistes sans valeur ajoutée

En intervenant sur tous les sujets, les éditorialistes sont aussi imprécis que les politiques et brouillent le rôle des journalistes.

Et les “grands” éditorialistes, qui se veulent bien souvent les gardiens du temple de l’information et ne ratent jamais une occasion de présenter le web comme un ramassis d’âneries (ce qu’il peut aussi être) sont peut-être les pires complices de cette dévalorisation de l’information. S’exprimant sur tous les sujets, même les plus techniques en préférant bien souvent le plaisir du débat rhétorique à la confrontation méthodique des faits, les serial-éditorialistes qui signent dans 10 journaux et participent à autant émissions de télévision et de radios nivellent par le bas.

À force de vouloir tout commenter, ils sont aussi vagues et imprécis que ceux qu’ils interrogent et n’apportent plus aucune valeur ajoutée journalistique.

Et l’on se prend à rêver d’émissions de télévision ou de radios où les tenants de la parole publique seraient confrontés à une véritable vérification en direct de leurs affirmations.
Où, quand un Premier ministre affirme à 21h10 qu’un salarié partant à la retraite après 44 ans de cotisation touchera ” une retraite plus élevée “, il pourrait être démenti à 21h35 par une équipe de journalistes ayant immédiatement vérifié cette affirmation.

Où un Olivier Besancenot expliquant qu’aujourd’hui ” il y a une toute petite minorité de salariés qui arrivent à faire les 37,5 annuités ” se verrait présenter le véritable chiffre : 60%, ce qui n’est plus vraiment une ” toute petite minorité “.

Bref, des émissions et une presse où on laisserait les journalistes faire leur boulot en vérifiant la véracité des propos, et où les éditorialistes seraient cantonnés à leur domaine, celui du débat d’idées.

>> Article initialement publié sur Cross Media Consulting

>> Illustration FlickR CC : kozumel, nicolas haeringer

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[Infographie] Presse : les grosses étrennes de l’État http://owni.fr/2010/09/17/infographie-presse-les-grosses-etrennes-de-letat/ http://owni.fr/2010/09/17/infographie-presse-les-grosses-etrennes-de-letat/#comments Fri, 17 Sep 2010 16:39:19 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=28507 Télécharger le poster en Haute Définition en cliquant dessus.

Infographie en Creative Commons de Marion Boucharlat

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Le rapport Cardoso en 5 visualisations http://owni.fr/2010/09/17/le-rapport-cardoso-en-5-visualisations/ http://owni.fr/2010/09/17/le-rapport-cardoso-en-5-visualisations/#comments Fri, 17 Sep 2010 16:00:12 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=28470 Le consultant Aldo Cardoso a remis le 8 septembre aux ministres de la communication et du budget un rapport sur le système d’aides publiques à la presse, qu’il qualifie de «système d’assistance respiratoire permanente».

En attendant un compte rendu détaillé (le document est consultable au pied de ce billet), on peut sortir quelques images stupéfiantes de l’étude.

Les aides à la presse ont connu une augmentation significative entre 2008 et 2009, sous l’impulsion des Etats Généraux de la Presse Ecrite notamment. Le montant de ces aides s’est donc stabilisé en 2009 autour de un milliard d’euros par an.

Plus d’un milliard d’euros est consacré chaque année à l’aide de la seule presse écrite. C’est un calcul que nous avions déjà fait ici mais le rapport souligne que les aides directes représentent toujours les deux tiers de cette somme, laissant ainsi les journaux à la merci de la décision d’accorder ou non une subvention ciblée.

Prenant l’exemple de sept titres nationaux anonymisés, le rapport montre que pour certain titres, la rédaction ne représente qu’un cinquième du prix du journal, le reste provenant, pour plus de la moitié des coûts de production et de distribution.

Si ces chiffres sont restés semblables en 2010 (ce qui est probable puisque la structure des investissements n’a pas beaucoup évolué, cf. supra), son coût en termes de subventions est supérieur à son prix de vente ! Il faut également noter que les avantages fiscaux (TVA à taux “super-réduit”) ne sont pas inclus dans ce tableau.

La direction des médias a calculé ce que coûtait, en subvention, chaque exemplaire payé. Les journaux à faible diffusion (La Croix, L’Humanité) reviennent automatiquement plus cher, mais on peut noter que Libération coûte extraordinairement peu au budget public avec 8 centimes par exemplaire. A l’autre bout, France Soir coûte à l’Etat 52 centimes par numéro. Clément, on ne rappellera pas que ce journal est désormais vendu 50 centimes…

Les aides directes en sont venu, au fil du temps, à constituer une part croissante du chiffre d’affaire, en raison notamment d’aides ciblées. Le fonds d’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires est évidemment particulièrement visé par cette remarque puisqu’il peut constituer un tiers des ressources de certains quotidiens. Et l’ensemble des dispositifs a explosé à partir de 2005 pour représenter plus de 60% du chiffre d’affaire de France Soir, presque la moitié pour Playbac Presse (Le Petit Quotidien, Mon Quotidien, L’Actu…) et un tiers pour le journal d’extrême droite Présent (contre 12% du CA en moyenne).

L’excédent brut d’exploitation par exemplaire, c’est ce que rapporte un journal en publicité, vente et subvention une fois ôté les dépenses de personnel et les impôts de production. Une fois ceci posé, on constate donc que pour les sept quotidiens nationaux étudiés, et notamment pour les plus chers (c’est-à-dire ceux qui comportent un magazine de fin de semaine permettant une augmentation de prix), chaque exemplaire coûte de l’argent au lieu d’en rapporter.

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Billet initialement publié sur le blog de Vincent Truffy sur Mediapart. Illustrations de Marion Boucharlat

Nous avons réinterprété certaines données qui nous paraissaient extrêmement pertinentes, que vous pouvez retrouver dans leur intégralité dans un poster haute-définition.

>Retrouvez l’infographie (en haute définition Presse : les grosses étrennes de l’État de Marion Boucharlat

> Retrouvez l’intégralité de notre dossier du jour sur les aide à la presse .
> Consultez tous nos articles sur les subventions à la presse, notamment “Subventions à la presse : l’heure des fuites ?”.

Illustration FlickR CC : mammal

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