OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Mega enjeu http://owni.fr/2012/10/22/mega-enjeu/ http://owni.fr/2012/10/22/mega-enjeu/#comments Mon, 22 Oct 2012 05:42:14 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=123439

Sûr de ses talents de communicant, Kim Schmitz (alias Dotcom) faisait mine vendredi dernier de confier à Wired le nom de son nouveau site de partage de fichiers.

Sans dévoiler l’adresse du nom de domaine, il laissait supposer qu’il s’intitulerait “Mega”. En lieu et place de MegaUpload, fermé à la suite d’une retentissante opération judiciaire menée par le FBI sur plainte de plusieurs majors américaines.

Mais les responsables qui travaillent sur le projet, et avec lesquels nous nous sommes entretenus, se montrent plus nuancés. Tel Emmanuel Gadaix, l’un des cerveaux de la nouvelle (et de l’ancienne) infrastructure, précisant que “Mega” se retrouvera bien dans la nouvelle marque mais attaché à d’autres mots.

Il nous assure que l’offre existera avant “la fin de l’année”, avec des ambitions considérables pour le marché de la musique et du cinéma en ligne :

Nous mettons en place des nouvelles mesures de sécurité. En particulier, un “client-side cryptosystem” qui chiffrera, de manière transparente pour l’utilisateur, toutes les données transmises sur le cloud. Lors du lancement, d’ici la fin de l’année 2012, nous dévoilerons nos API qui permettront aux développeurs de créer une multitude d’applications innovantes, qui utiliseront la puissance et la sécurité de cloud Mega [...] Nous allons respecter les règles du DMCA qui protègent les hébergeurs contre les actions de leurs utilisateurs.

Dans le secret de MegaUpload

Dans le secret de MegaUpload

Comptes offshore, sociétés à Hong Kong ou à Auckland, porte-parole mystère et pactole considérable dans des paradis ...

Services secrets

Si la trajectoire de Kim Dotcom dresse le portrait d’un bonimenteur 2.0 pas toujours de très bon goût, comme le montre une enquête fouillée du site Ars Technica, celle d’Emmanuel Gadaix, plus discrète, présente le profil d’un visionnaire de la sécurité des réseaux.

Entre 1993 et 1998, ses talents l’amenèrent à être régulièrement sollicité par la DST (les services secrets de sécurité intérieure français, devenus la DCRI) pour organiser diverses opérations et en particulier des tests d’intrusion.

Une tranche de vie qui se trouve résumée dans une décision de relaxe prise par la 13ème Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, le 2 novembre 2000, pour une visite à l’intérieur d’un serveur du groupe pétrolier Exxon, réalisée à la demande des services français. Et donc pardonnée. Il était alors âgé de 33 ans.

Depuis, établi entre la Thaïlande et Hong Kong, Emmanuel Gadaix participe comme consultant à d’importants chantiers en sécurité des systèmes, loin des institutions. En marge de ses projets avec Kim Schmitz, il collabore à des travaux de recherche avec la société française P1 Security, dirigée par Philippe Langlois, l’un des papes en sécurité des systèmes d’information – le 8 octobre dernier, ce dernier présentait quelques résultats pointus en compagnie de Gadaix, lors de la dernière Hack in the box Conference de Kuala Lumpur.

Abusive

Grâce à Gadaix, sur le nouveau Mega, les administrateurs du site ne pourront pas déchiffrer les données et les opérations des personnes qui utilisent leurs services – contrairement aux responsables de Google ou de Dropbox. Avec un gros objectif à court terme : concurrencer iTunes, ni plus ni moins, grâce à une base juridique et technique sans équivalent.

Les serveurs seront dans de multiples juridictions y compris en Europe. Comme toutes les données stockées sur le serveur ne pourront être décryptées, nous pourrions même en héberger aux Etats-Unis. Nous ne le ferons pas, à titre de sanction économique tout d’abord, mais aussi par respect pour nos millions d’utilisateurs dont les données sont toujours otages du gouvernement américain.

Internet après la fin de Megaupload

Internet après la fin de Megaupload

La coupure de Megaupload a provoqué un torrent de réactions. Le problème n'est pas la disparition du site en lui-même. Il ...

Car l’homme, ainsi qu’une partie de l’entourage de Kim Schmitz, considère que l’opération judiciaire du FBI de l’hiver dernier a servi de manière abusive les majors de la musique et du cinéma. Intervenue le 19 janvier, elle précédait de deux jours le lancement de Megabox, prévu le 21 janvier.

À ce moment-là, dans un entretien accordé par Emmanuel Gadaix au site CitizenKane.fr, Megabox était présenté comme un futur iTunes sans intermédiaire, permettant aux artistes d’être directement rémunérés par leur public.

Coïncidences

Le 26 septembre dernier, Kim Schmitz s’en amusait sur sa chaîne YouTube, en diffusant une bande-annonce de Megabox qui semble avoir été produite pour le lancement initialement prévu le 21 janvier, avant d’être annulé.

Gadaix sourit. Dit qu’il ne croit pas aux coïncidences. Peu de temps avant l’arrestation de ses partenaires, il s’était rendu le 11 janvier à une invitation du Sénat français pour discuter droits d’auteur et libertés numériques – les internautes français, à eux seuls, apportaient 12% du chiffre d’affaires global de MegaUpload.

À cette occasion, il avait – nous assure-t-il – pris des premiers contacts avec les responsables d’Hadopi, en coulisses, pour préparer des négociations futures, envisagées début février. Du côté de l’Hadopi, a priori personne ne semble s’en souvenir.

Selon Emmanuel Gadaix, “pour Mega, l’objet de la discussion était de trouver des moyens de travailler ensemble pour réduire la piraterie sur le Net et pour étudier des méthodes de rémunération des auteurs grâce aux nouveaux services de Mega”, avec notamment la possibilité de domicilier en France une partie des revenus dans l’attente de définir la meilleure clé de répartition.

Pas sûr que la renaissance de MegaUpload ne ressuscite les mêmes intentions.


Illustration et couverture par Cédric Audinot pour Owni /-)

]]>
http://owni.fr/2012/10/22/mega-enjeu/feed/ 0
Internet par la racine http://owni.fr/2012/07/05/internet-par-la-racine/ http://owni.fr/2012/07/05/internet-par-la-racine/#comments Thu, 05 Jul 2012 14:33:30 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=115344 Au commencement, il y avait la “racine”. Quiconque tente de percer à jour le fonctionnement d’Internet se retrouve nez-à-nez avec ce drôle de précepte. Sans bien en cerner le sens. Ainsi, votre serviteur, qui face à des articles titrant sur “la racine d’Internet divise les autorités américaines”, “la Chine veut sa propre racine Internet”, est restée circonspecte : c’est quoi ce bulbe magique générateur de réseau ? Et pourquoi tout le monde s’agite pour le contrôler ? Jardinage réticulaire avec quelques experts du Net.

Dommage, la racine n'est pas un gros modem caché sous la Silicon Valley (South Park, "Over Logging", saison 12 épisode 6)

Le bulbe magique

Premier apprentissage : la racine du net n’est pas un oignon. Ni un modem géant caché au fin fond de la Silicon Valley par le gouvernement américain. Cruelle désillusion pour tous les fans de South Park, la réalité est autrement plus prosaïque : la racine est avant tout un fichier. L’un des pères d’Internet en France, Louis Pouzin, nous explique :

C’est un fichier de données. On peut le voir sur écran ou l’imprimer.

Et de poursuivre : “c’est la table des matières des annuaires de TLD”.

C’est là que ça se corse : les TLD, ou “top level domains” (“domaines de premier niveau”) sont tous les “.quelquechose” : .com, .net, .info ou, pour les pays, en .fr, .uk, etc. On compte aujourd’hui plus de 300 extensions. Tous les sites Internet sont regroupés dans un annuaire qui porte le nom de leur extension : “par exemple, l’annuaire .com explique Louis Pouzin. Il existe donc autant d’annuaires que de TLD.”

Et la racine dans tout ça ? Elle a en mémoire la liste de tous les TLD et s’occupe de pointer vers les différents annuaires. “C’est un système d’aiguillage”, ajoute Stéphane Bortzmeyer, ingénieur à l’Afnic, l’organisme qui gère notamment le .fr. “Quand on lui demande un accès au site owni.fr, elle renvoie à l’Afnic qui gère le .fr” Et ainsi de suite pour les sites du monde entier : la racine est la conseillère d’orientation du Net.

La racine est morte, vive Internet !

Évidemment, le fichier seul ne peut pas s’exécuter comme ça, à l’aide de ses petits bras. Parler de racine, c’est aussi parler de “serveurs racine”. Des machines disséminées dans le monde entier et sur lesquelles est copié le fameux bottin de l’Internet. On parle souvent de 13 serveurs racine, mais la réalité est plus complexe. Selon Stéphane Borztmeyer : “il y a une centaine de sites physiques qui gèrent les serveurs racine.”

Concrètement, ces serveurs ne ressemblent pas à des bunkers ultra-sécurisés. A la manière de datacenters classiques, “il s’agit simplement de matériel encastré dans des racks [NDLA : sorte de casiers à matériel informatique]“, poursuit l’ingénieur de l’Afnic. La sécurité physique n’est pas le problème.” Le souci est plus au niveau logiciel. Et encore : si la racine venait à disparaître de la surface de la Terre, aucun cataclysme dévastateur n’en résulterait. Ni coupure nette, ni blackout, ni tsunami vengeur, rien, tout juste quelques défaillances !

“Il y aurait une perte de fonctionnalité, mais ce ne serait ni soudain, ni total ni catastrophique”, explique l’universitaire américain Milton Mueller, l’un des premiers à s’être intéressé à la racine et ses implications géopolitiques, dans son livre Ruling the root. “Le réseau se dégraderait petit à petit mais on peut y survivre” confirme Stéphane Bortzmeyer. Un anti-scénario catastrophe rendu possible par certains serveurs, les “serveurs de nom”, et leur capacité à retenir les indications données par la racine, explique Louis Pouzin :

Il existe des milliers de copies de la racine stockées dans des serveurs de noms et des ordinateurs d’utilisateurs. L’Internet pourrait continuer à fonctionner au moins une semaine, ce qui donne le temps de s’organiser pour réparer l’incident.

Ces serveurs de noms, que l’on retrouve par exemple chez les fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Free et compagnie), ne demandent que rarement leur route aux serveurs de la racine. Le plus souvent, ils ne les contactent qu’au moment de leur mise en service : Internet n’est alors pour eux qu’un énorme brouillard de guerre. Impossible dans ces conditions de savoir à quoi renvoie owni.fr ou hippohippo.ytmnd.com. Le reste du temps, ils se souviennent au moins temporairement (en cache) des indications de la racine. Certains FAI ont même opté pour une solution plus définitive : ils copient le fichier racine dans leurs serveurs, afin d’éviter de passer par la racine, raconte encore Milton Mueller.

La racine, c’est l’Amérique

Ceci dit, ils ne contournent pas complètement la racine, puisqu’ils se contentent de copier son fichier, qui peut connaître des modifications au fil du temps. Pour rester à la page, et continuer d’orienter les internautes, des mises à jour seront alors nécessaires et le problème restera le même : in fine, il faudra s’en retourner vers la racine.

Un système hyper-concentré qui ne correspond pas tout à fait à l’image d’Épinal d’un Internet rhizomatique, parfaitement décentralisé, sans queue ni tête. Et qui peut poser problème : car derrière la racine, il y a des hommes. Et oui, malheureusement pour nous -ou heureusement, c’est selon-, la racine n’est pas une intelligence autonome venue d’un autre monde, des petits serveurs dans ses bagages, pour nous offrir Internet. La racine, c’est l’Amérique. Et selon Stéphane Bortzmeyer :

aucune modification du fichier racine ne se fait sans signature d’un fonctionnaire aux États-Unis.

Deux institutions, l’Icann et Verisign, s’occupent de la mise à jour de cette liste. “L’Icann accepte ou refuse l’enregistrement des TLD, et transmet sa décision au Département du Commerce (DOC). Verisign effectue l’enregistrement ou la radiation des TLD dans la racine sur ordre du DOC, et parfois du FBI”, détaille Louis Pouzin. La machine est 100% made in USA.

Même si son rouage le plus connu, l’Icann, est présenté comme une organisation indépendante, une “communauté” constituée de FAI, “d’intérêts commerciaux et à but non lucratif” ou bien encore de “représentants de plus de 100 gouvernements”. Il n’empêche : si l’Icann gère la racine, c’est uniquement parce que les États-Unis le lui permettent. “C’est une relation triangulaire, explique Milton Mueller à OWNI. L’Icann comme Verisign sont contrôlés par le biais de contrats les liant au Département du Commerce américain.” L’Icann vient d’ailleurs de renouveler l’accord qui la lie à l’administration américaine, obtenant ainsi le droit de poursuivre l’intendance de la racine pour les cinq à sept prochaines années.

One root to rule them all

Internet après la fin de Megaupload

Internet après la fin de Megaupload

La coupure de Megaupload a provoqué un torrent de réactions. Le problème n'est pas la disparition du site en lui-même. Il ...

Potentielle arme de destruction massive, la racine est le nouveau gros bouton rouge qui fait peur, sauf que seuls les Etats-Unis peuvent en disposer. S’ils décident de faire joujou avec, ils peuvent par exemple supprimer une extension. Hop ! Disparu le .com et tant pis pour les Google, Facebook et autres machines à cash. Plus probable, ils peuvent aussi faire sauter un nom de domaine : c’est ce qui s’est passé en janvier dernier, avec le site Megaupload, qui a été rayé de la carte Internet.

Ils peuvent aussi bloquer l’arrivée d’un nouveau .quelquechose ou au contraire, élargir la liste. C’est d’ailleurs l’opération dans laquelle s’est lancée l’Icann, qui planifie l’arrivée des .lol, .meme, .viking -et un autre gros millier de réjouissances-, dans le fichier racine. Le tout contre quelque monnaie sonnante et trébuchante : 185 000 dollars la demande d’une nouvelle extension, 25 000 par an pour la conserver. Car aujourd’hui pour les marques sur Internet, c’est un peu be dot or be square.

“Fort heureusement, jusqu’à présent, les États-Unis n’ont pas eu de gestion scandaleuse de la racine”, modère Stéphane Bortzmeyer, avant de concéder :

Sur Internet, c’est un peu l’équilibre de la terreur.

Un pouvoir constitué de fait, au fil de la création du réseau. Et qui, forcément, ne laisse pas indifférents les petits camarades. Avec en premier chef, la Chine. L’empire du milieu menace souvent les États-Unis de construire sa propre racine. Encore récemment, avec la publication d’un draft auprès de l’IETF (Internet Engineering Task Force, l’organisme en charge des standards Internet), qui a fait grand bruit dans les médias. Sur son blog, Stéphane Bortzmeyer tempère : ces drafts “peuvent être écrits par n’importe qui et sont publiés quasi-automatiquement”. Avant d’ajouter par téléphone :

Les Chinois menacent, mais rien n’est encore fait.

“Les réseaux chinois sont connectés à Internet. La seule différence avec d’autres pays, c’est que le système de filtrage est beaucoup plus violent.”

Pour l’ingénieur réseau de toute façon, il est quasiment impossible de bâtir une racine alternative. Pas d’un point de vue technique : “nombreux sont les étudiants qui l’ont fait pour impressionner leurs petits copains !” Le problème est plus au niveau pratique :

Il y a une forte motivation à garder la même racine. Sans cela, owni.fr pourrait donner un résultat différent selon la racine employée !

Pas hyper commode pour un réseau à prétention internationale. C’est ce qui explique l’inertie qui entoure l’Icann, Verisign et la racine originelle : si tout le monde veut contrôler la racine, personne n’a intérêt à faire bande à part. Ou dispose de moyens et d’influence suffisamment conséquents pour provoquer une migration d’une racine vers une autre. “Le problème, c’est le suivi : faire en sorte que les gens basculent en masse vers l’autre racine, en reconfigurant tous les serveurs de nom, explique encore Stéphane Bortzmeyer. Il faut une grande autorité morale, proposer mieux en termes de gouvernance, de technique…” Bref :

Pour avoir une nouvelle racine, il faut prouver qu’on est meilleur que les États-Unis.

Un peu comme sur les réseaux sociaux, où il faut démontrer que l’on vaut mieux que Facebook, afin de briser son effet d’entraînement colossal.

Racine contre rhizome

Les nouvelles root de l’Internet

Les nouvelles root de l’Internet

Le 12 janvier, l’organisme californien en charge de la gestion des noms de domaine de l’Internet a ouvert les extensions ...

Pour l’expert de l’Afnic, seul un comportement inacceptable des États-Unis serait susceptible de faire bouger les lignes. D’autres en revanche, refusent de se plier au statu quo. Et estiment que la mainmise des États-Unis sur la racine suffit seule à proposer une alternative. C’est notamment le cas de Louis Pouzin, et de son projet “Open Root”. Pour ce pionnier du réseau, “la légende de la racine unique est un dogme assené par l’ICANN depuis 1998.” Et ceux qui la diffusent sont “les partisans d’une situation de monopole.” “Ils n’en n’imaginent pas l’extinction”, confie-t-il à OWNI.

D’autres vont encore plus loin, en imaginant une racine en peer-to-peer. Distribuée à plusieurs endroits du réseau. Fin 2010, l’emblématique fondateur de The Pirate Bay et de FlattR, Peter Sunde, a laissé entendre sur Twitter que ce projet l’intéressait. Depuis, et malgré un intérêt médiatique important, plus de nouvelles. Par mail, il nous explique avoir “confié les rênes” de ce projet à d’autres, par manque de temps. Mais ajoute croire encore en la nécessité d’une alternative :

Soit nous prenons le contrôle [de la racine], de manière distribuée et démocratique, soit nous la remplaçons dans un futur proche.

Et de poursuivre :

Il est ironique de croire en un Internet décentralisé quand ce TOUT ce que nous construisons repose au final sur un système placé entre les mains d’une organisation, qui dépend d’une juridiction, d’un pays qui a des intérêts particuliers dans la façon dont se comportent les autres pays.

L’ingénieur suédois rêve d’une alternative distribuée, “avec des caches locaux”. Utopie irréalisable selon Stéphane Bortzmeyer : “Le problème principal est celui de l’unicité”, justifie-t-il. En clair, un nom de domaine ne renvoie qu’à un contenu, stocké sur des machines identifiées par une adresse IP : en France, en Allemagne ou à Tombouctou, Owni.fr ne renvoie qu’à owni.fr. C’est ce qu’on appelle le système DNS (Domain Name System). Et c’est ce qu’assure la racine (qu’il est plus correct d’appeler “racine DNS” que “racine d’Internet”), grâce à un système de responsabilité en cascade : la racine détient la liste des .com, .fr et compagnie, elle les assigne à des sites (wikipedia.org, google.com), qui ensuite, gèrent comme ils l’entendent leur nom de domaine (en créant par exemple fr.wikipedia.org). Pas de pagaille, pas de doublon, et Internet sera bien gardé.

“Il y a eu quelques tentatives de faire un système en peer-to-peer, qui restent surtout au stade de la recherche fondamentale aujourd’hui“, poursuit le Français. “Mais toutes font sauter l’unicité ! Le mec qui trouve comment faire sans racine obtient tout de suite le Prix Nobel !”

Non sens pour Peter Sunde, pour qui “des projets de racine alternative existent et rencontrent parfois un certain succès.” Après, “tout dépend ce qu’on entend par succès”, précise-t-il. Mais en leur qualité de “terrains d’essai”, Peter Sunde leur apporte un plein soutien. Et Louis Pouzin de rappeler :

Un certain nombre de projets, ou concepts, ont déjà été commencés, sans réussir à percer. Au fait, quels pouvoirs ont intérêt à favoriser une racine entièrement décentralisée ?


Bonus : comprendre Internet, c’est aussi dessiner des petits serveurs avec des yeux et des bérets. J’ai fait un petit quelque chose, arrangé par Loguy (qu’il en soit remercié), pour savoir ce qu’il se passe avec la racine quand un internaute va sur owni.fr. C’est pour vous <3


Illustrations : motivational poster par FradiFrad via christopher.woo (CC FlickR)

]]>
http://owni.fr/2012/07/05/internet-par-la-racine/feed/ 14
Zone peertageuse temporaire http://owni.fr/2012/05/02/zone-peertageuse-temporaire/ http://owni.fr/2012/05/02/zone-peertageuse-temporaire/#comments Wed, 02 May 2012 12:51:54 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=108591

Entrée de la bourse aux échanges numériques, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

Avant de rentrer, on va vous demander de devenir membre de notre association.

De prime abord, cette contrainte pour participer à la première bourse d’échanges numériques organisée par Shakirail dans la cadre du 8ème Festival des ouvertures utiles (FOU) a de quoi surprendre. Surtout venant de la part d’un collectif artistique en squatt plus ou moins conventionné dans un ancien vestiaire et centre de formation de la SNCF à côté de la gare du Nord, et qui propose de partager des fichiers IRL, in real life, en partenariat avec le hackerspace le Loop, le temps d’un 1er mai au parfum de lendemains qui chantent sans DRM.

La demande n’a rien d’un gonflage forcé des adhérents mais vise à créer une zone de flou juridique, comme l’explique Sophie, une des organisatrices qui se définit comme une “anarchiviste” :

C’est pour se couvrir, le partage a ainsi lieu dans le cadre de l’association.

Bon, sauf que dans la tête assez tordue du législateur français, ce tour de passe-passe ne marche pas : l’exception pour copie privée fonctionne dans le cadre familial et amical. Peu importe, personne ne viendra saisir les fichiers coupables.

La licence globalement morte au PS

La licence globalement morte au PS

La licence globale, ou vie et mort d'une idée dans le champ politique. En particulier dans le champ du PS. Autour de ...

Sur la forme, cette bourse s’inscrit dans la lignée d’autres actions visant à défendre dans un espace physique une certaine vision de la culture fondée sur le partage insouciant. Le tout dans un contexte global  de renforcement du droit d’auteur.

Ainsi récemment une copy party a été organisée à la bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon pour rappeler le droit à la copie privée des œuvres. On pense aussi au projet Dead Drops. Initié par l’artiste berlinois Aram Batholl, il consiste à contourner la loi qui réprime les échanges de fichiers peer-to-peer sur le réseau mais pas dans la rue. Les gens sont donc invités à partager des œuvres via des clés usb plantées dans les murs de la ville.

Vue sur les voies ferrées de la gare de l'Est, depuis la bourse aux échanges numériques, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

C’est aussi un moyen de rappeler que “l’immatériel a besoin de support matériel, les fils de cuivre”, note Sophie. Et que le piratage est “un acte collectif”, comme le souligne Benjamin Jean, membre de Framasoft, qui soutient les logiciels libres, et de Veni Vidi Libri, qui promeut les licences libres.

Parmi les participants de ce pied de nez à la Hadopi, on croise Stéphane Lestage, secrétaire de Parinux, venu avec des distributions de Linux et “quelques films propriétaires, mes films geek, comme War games ou Matrix :

Nous venons en bons voisins, de notre côté nous organisons des Install party Linux. On essaye aussi de faire connaître les musiques libres.

Dans la grande salle, la "copy party" bat son plein, rue Riquet, Paris 19ème - (cc) O.Noor pour Owni

Droite-gauche, kif kif bourricot

Quel que soit le prochain Président de la République, la bourse aux échanges numériques a de fortes chances de rester encore pertinente l’année prochaine. En effet, Nicolas Sarkozy prône le maintien de la Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protections de droits sur Internet (Hadopi). Et pour cause, c’est à l’initiative de son camp politique qu’elle a été mise en place. Quant à François Hollande, il entretient le flou sur la question. Stéphane Lestage soupire :

Je n’attends pas de miracle si Hollande passe. Le sujet est transpolitique. Il y a beaucoup d’artistes qui sont à gauche qui ne sont pas les derniers à chouiner sur leurs droits d’auteur. Et des députés de droite se sont opposés à la Hadopi. Des deux côtés, je retiens le désintérêt et la superficialité, ils écoutent des experts qui sont juges et partis.

Jérémie Nestel, de Libre accès, a commencé son intervention par un constat tout aussi sombre :

La norme, c’est le domaine public et non le droit d’auteur. Il y a eu renversement du paradigme.

Partage en face à face, à la bourse des échanges numériques, (cc) Sabine Blanc/Ophelia Noor pour Owni

Noir, c’est noir ©, il y a encore de l’espoir, Sophie se réjouit de voir des enfants :

C’est bien, ils voient qu’il existe un usage loyal dans un cadre pédagogique.

Une exception pédagogique en proie pourtant, elle aussi, à des coups de boutoir. Non, décidément, on n’a pas fini de boursicoter entre pairs. Et Joseph, de Kassandre, un collectif de cinéastes diffusant leurs films sous licence libre, de lancer :

Il faut multiplier les copy parties.


Old bonus mais toujours bon : Libre accès avait interrogé Jean-Luc Godard sur le droit d’auteur. Apparemment, Françoise Hardy n’a pas été convaincue.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

]]>
http://owni.fr/2012/05/02/zone-peertageuse-temporaire/feed/ 6
Le retour du peer-to-peer http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/ http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/#comments Tue, 21 Feb 2012 12:37:39 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=98178

En 2009, Arbor Networks, société spécialisée dans la gestion des réseaux, affirmait que le modèle de l’échange de fichiers en peer-to-peer, dans lequel chaque client est un serveur,  était en déclin au profit du streaming.

Le 19 janvier, le FBI a ordonné la fermeture de Megaupload, la plus grosse plateforme de téléchargement direct. Panique sur les réseaux. Cogent et Carpathia Hosting, qui transportaient une partie des flux du site de stockage, ont perdu 30% de leur trafic. Craignant la grande purge, des sites comme VideoBB et Fileserve ont rapidement vidé leurs serveurs. Rapidshare et MediaFire ont de leur côté décidé de faire la police eux-mêmes, et de sévir contre leurs propres clients. Au Washington Pirate Party, succursale du Parti pirate américain, Jeffrey Talada constate :

Ces sites sont comme une hydre : vous en supprimez un, vingt naissent à la place. Si Megaupload est coupable, ils iront hors des États-Unis. Mais il subsistera toujours la même faiblesse : la centralisation.

Pour ce farouche opposant au traité Acta et à la loi antipiratage SOPA, “Megaupload a prouvé qu’un système centralisé était faible. Des millions d’internautes se rendaient chaque jour sur un seul site, il a suffit de le couper pour que tout disparaisse. Cela n’aurait jamais pu arriver avec le peer-to-peer.” Et de prôner un retour aux sources :

Les gens ont-ils jamais quitté le P2P ? Si le gouvernement ferme quelque chose, les gens iront ailleurs, vers quelque chose d’autre, qu’ils connaissent déjà un peu de préférence.

Selon un observatoire de l’usage de la bande passante à travers le monde mis en place par le constructeur de routeurs Ipoque, le niveau de trafic du P2P, s’est brutalement emballé en Europe après le 20 janvier.

Ressuscité, le peer-to-peer.

La semaine suivant la fermeture de Megaupload, les graphiques mis en ligne par Ipoque montraient ainsi des pics atteignant 15% du trafic total de la bande passante européenne. Les courbes se sont désormais stabilisées. Bittorrent et eDonkey constituent les deux protocoles d’échange les plus utilisés. Selon le site Peerates.net, qui publie des statistiques sur l’usage des serveurs eMule, le nombre de recherches effectuées sur eDonkey serait passé de 110 000 au début du mois de janvier à 200 000 après la fermeture de Megaupload.

Retour aux sources

Au parti pirate français, Maxime Rouquet, co-président, constate un “désœuvrement” des utilisateurs du streaming et du téléchargement direct. Pour lui, le salut passe par le P2P. “Avec l’effondrement en bourse de Cogent, on réalise que techniquement la centralisation est une très mauvaise chose.” Benjamin Bayart, président du fournisseur d’accès indépendantFrench Data Network (FDN) précise :

Techniquement, le téléchargement direct, c’est un point hypercentralisé qui diffuse du contenu en masse. Un État a décidé de couper, ça a été extrêmement rapide. Un système ultra-centralisé est très faible. Le P2P lui, est un système de flux individuels. Entre les deux systèmes, c’est comme entre Internet et le minitel : pour ce dernier, si on coupe le système central, on coupe tout. Pour le Net, c’est un peu plus compliqué, on peut difficilement le couper… Le peer-to-peer, tout comme Internet, ne peuvent être mis en panne.

Économiquement, le Peer-to-Peer serait également “la bonne solution” pour des FAI en surcharge : “Quand des millions de personnes téléchargent en masse en téléchargement direct, ça crée un débit énorme, des instabilités très difficiles à gérer. Le streaming, quant à lui, vous fait télécharger plusieurs fois la même chose… Ces deux systèmes sont dramatiques pour la gestion du réseau.” Le président de FDN ajoute :

Le peer-to-peer lui, est un système de flux individuels qui bougent par petits paquets, jamais par gros blocs, il n’engorge pas le réseau, parce que le trafic est réparti. Les FAI et les opérateurs qui le combattaient il y a cinq ans se rendent compte que c’était peut-être une erreur. Tous les techniciens sérieux savent que le P2P est le plus simple et le plus solide des systèmes. Pour qu’un fichier disparaisse, il faudrait qu’il disparaisse de tous les ordinateurs qui le partagent.

Pas de doute pour Benjamin Bayart, “les gens qui regardaient des vidéos sur Megaupload vont se déployer ailleurs et cela va se traduire par un regain d’activité sur le P2P.”

Le 21 janvier, peu après la fermeture de Megaupload, Bittorrent Inc. annonçait avoir atteint 150 millions d’utilisateurs. Le fondateur du parti pirate suédois (Piratepartiet), Rick Falkvinge, prophétise un avenir en peer-to-peer :

Certaines entreprises distribuent déjà des jeux et des mises à jour en utilisant la technologie peer-to-peer, car cela diminue leur consommation de bande passante, et les coûts par la suite. Les gens aiment partager, ils veulent partager, et ils trouveront toujours de nouveaux moyens de le faire. On ne peut pas les stopper.

Certains clients P2P exploitent à fond l’aspect décentralisé du système. Sur TorrentFreak, on redécouvre ainsi Tribler, une solution BitTorrent entièrement décentralisée créée il y a dix ans. Utilisé par quelques milliers de personnes seulement, Tribler serait en passe de devenir un outil clé du peer-to-peer décentralisé. Comme l’explique sur TorrentFreak le docteur Pouwelse, qui dirige le projet : “Avec Tribler, nous avons réussi à ne pas avoir la moindre coupure sur les six dernières années, tout cela parce que nous ne nous appuyons pas sur des fondations branlantes telles que les DNS, les serveurs web ou les portails de recherches”. Les recherches se font d’utilisateur à utilisateur, et selon le docteur Pouwelse, “la seule manière de briser Tribler serait de briser Internet lui-même”.

Parmi les évolutions du peer-to-peer attendues, figure également le P2P caching, “extrêmement bénéfique pour le réseau”, explique Jeffrey Talada, du Washington Pirate Party.

Les FAI conservent les données échangées dans des caches pour accélérer les échanges. Quand un internaute demande une information, plutôt que de la télécharger à l’autre bout du monde, elle est déjà en cache, parce que quelqu’un d’autre l’a déjà téléchargée. Ces caches permettent une grande rapidité et surtout évitent de saturer les réseaux. Mais les mécanismes qui visent les intermédiaires, comme Acta, sont un obstacle au développement de ce genre de système.

Vers un peer-to-peer souterrain

Le retour du peer-to-peer peut-il se faire sans victimes ? Pour Maxime Rouquet, “l’Hadopi ne marche pas, et n’a jamais déconnecté personne. Un relevé d’adresses IP ne sera jamais une preuve suffisante.On est devant une démarche de communication pour faire peur.” La Haute autorité vient pourtant de transmettre des dossiers d’internautes aux procureurs de la République.

Pour les différents partis pirates comme pour Benjamin Bayart, face à la peur du gendarme, ce qui risque d’exploser, ce sont bien les systèmes permettant de chiffrer les connexions, de brouiller les pistes. Rick Falkvinge décrit le peer-to-peer de demain comme un système de plus en plus “souterrain”, vers toujours plus d’anonymat. “Les internautes retourneront vers les protocoles Bittorrent et eDonkey, mais ils utiliseront de nouveaux moyens, pour contrer le pistage”.

Pour éviter aux utilisateurs d’être repérés, le peer-to-peer fonctionne déjà avec plusieurs systèmes d’anonymisation, comme les magnet links.  “Au début, avec Bittorrent, on devait récupérer des fichier torrents, qui contenaient des hashcodes, ou signatures numériques, sur un serveur central, ou tracker, comme The Pirate Bay ou OpenBittorrent. Désormais, on partage les informations entre une multitude de pairs qui se connectent au réseau. Les torrents sont décentralisés, on peut se passer de trackers”, explique Maxime Rouquet, du parti pirate français.

Les magnet links protègent les utilisateurs, car ils ne contiennent que la signature numérique des fichiers partagés, et ne permettent pas de remonter jusqu’à eux. Depuis janvier, The Pirate Bay s’est concentré sur les magnet links pour éviter de devenir le “nouveau Megaupload”.

Maxime Rouquet pense que les internautes risquent d’aller encore plus loin :

Avec des idioties comme Hadopi, on risque de ramener tout le monde au peer-to-peer, mais derrière un VPN, ou réseau privé virtuel, un système permettant de chiffrer sa connexion, utilisé à la base par les activistes dans des pays où règne la censure. En chiffrant sa connexion, on est sûr d’être immunisé contre l’Hadopi et de pouvoir utiliser n’importe quel logiciel de téléchargement sans risques. Avec les VPN, on peut aussi se connecter à des sites verrouillés, comme Hulu, bridé hors des USA pour des questions de droits d’auteurs.

Rick Falkvinge préfère quant à lui parler de Tor , un projet imaginé puis mis en place par des hackers militants il y a déjà dix ans. Le principe est simple : l’internaute installe un logiciel sur son ordinateur, l’active, puis peut surfer anonymement. “A la base, Tor permet de contourner les systèmes nationaux de blocage, donc la censure : les informations transitent dans un réseau de serveurs relais qui empêchent les autorités de remonter jusqu’à vous”, indique Rick Falkvinge. C’est le principe du “routage en oignon.”

Le meilleur du peer

Pour certains, comme Maxime Rouquet ou la Quadrature du Net, la lutte contre le piratage pousse les internautes à sécuriser de plus en plus leur connexion, ce qui peut avoir des effets désastreux sur le réseau.

“Et bien sûr, rien ne sera reversé aux artistes”, complète Benjamin Bayart. Pour lui, “avec le peer-to-peer, tout le monde y gagne. Personne ne gagne ni ne perd d’argent. En général, on cherche quelque chose qu’on n’a simplement pas trouvé ailleurs, ou qui n’est pas abordable. Les gens qui ont de l’argent et qui ne dépensent pas sont une minorité.” Le président de French Data Network conclut :

Si on essaie de bloquer le peer-to-peer, que feront les gens ? Le dernier épisode de Dexter qu’ils cherchaient deviendrait introuvable. Résultat, les gens cesseront de regarder la série. L’œuvre perdra du même coup de sa valeur. C’est exactement comme si on ne diffusait plus une chanson à la radio : c’est une audience de perdue. Le seul moyen de s’assurer que les gens ne téléchargent plus, ça serait peut être de supprimer leur envie pour les œuvres…

Reste une innovation à suivre de près. Celle de Bram Cohen, l’inventeur de Bittorrent. Depuis trois ans, l’informaticien travaille sur un nouveau protocole, sorte de streaming en peer-to-peer, permettant de diffuser en direct du contenu, mais de façon décentralisée : Bittorrent Live. Contacté par OWNI, il explique :

Le streaming est aujourd’hui cher, et il fait face à de nombreux défis techniques. Je savais que l’architecture décentralisée du P2P pourrait résoudre beaucoup de ces défis. Le but de Bittorrent Live, c’est d’avoir une très faible latence, et 99% de offload, c’est à dire 99% de données provenant des pairs. Ce qui signifie qu’aucune infrastructure serveur ou fournisseur d’hébergement ne sera nécessaire. Tous les vendredi soirs, à 20h, les gens peuvent avoir accès à la version beta.

Les internautes peuvent ainsi regarder un concert en streaming sur Bittorrent Live. Pas de détails quant à la possibilité de fusionner le nouveau protocole et celui plus classique de téléchargement, mais d’après Bram Cohen, Bittorrent Live permet, tout comme le protocole open source μTP (pour Micro Transmission Protocol) de son invention, de “réduire les pertes de paquets” et “de limiter les congestions réseau, un avantage pour les FAI.”

Histoire de faire aussi la promotion d’un futur aux couleurs du peer-to-peer :

Les technologies peer-to-peer intéressent de plus en plus d’entreprises et de services. C’est un moyen très efficace de faire circuler des données. Par exemple, Facebook, Twitter et Etsy utilisent le protocole BitTorrent pour l’efficacité du réseau interne. L’éditeur de jeux vidéo Blizzard utilise BitTorrent pour distribuer des mises à jour à des millions de joueurs à travers le monde.

Avec Bittorrent Live, Bram Cohen compte allier ce qui a fait le succès du streaming – regarder une vidéo instantanément – et l’aspect décentralisé et convivial du bon vieux P2P. “Beaucoup de vidéos ne sont toujours pas trouvables sur Internet”, expliquait Bram Cohen le 13 février au Sommet MusicTech de San Francisco. Matchs de foot, concerts, séries, films, la liste des possibilités est sans fin.

Au MusicTech, l’inventeur de Bittorrent lâchait, plaisantant à moitié : “mon but, c’est tuer la télévision.” Bittorrent Live n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais Bram Cohen pourrait aussi faire d’une pierre deux coups, enterrant définitivement Megaupload et ses amis.


Photos et illustrations par Jacob Köhler (CC-byncnd) ; AndiH (CC-byncnd) et SFBrit (CCbyncnd)

]]>
http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/feed/ 46
Internet après la fin de Megaupload http://owni.fr/2012/01/21/megaupload-internet-apres/ http://owni.fr/2012/01/21/megaupload-internet-apres/#comments Sat, 21 Jan 2012 18:11:43 +0000 Andréa Fradin et Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=95019

Megaupload en une des grands quotidiens français : Le Monde, Libération, Le Figaro. Dans les JT nationaux de TF1, de France 2. Drôle de consécration pour un site de partage de fichiers, certes consulté par des millions d’internautes (de 7 à 15 en France par mois, selon les sources), mais jusque là cantonné aux articles des seuls sites d’info spécialisés. Sa fermeture, opérée dans la nuit du 19 au 20 janvier par le FBI, en a officialisé la popularité. Unanimité médiatique : c’est un “coup de tonnerre dans le monde de l’Internet.” Mais, passé l’orage, de quoi Megaupload est-il le nom ?

Nouvelle hiérarchie des valeurs

MegaUpload à la chaise électrique

MegaUpload à la chaise électrique

Le FBI a ordonné la fermeture de MegaUpload, un réseau de sites longtemps présenté comme l'un des principaux vecteurs du ...

L’effroi est moins à chercher du côté de Megaupload que de sa fermeture spectaculaire. Le site en lui-même n’a pas bénéficié d’un soutien massif. La désolation de millions d’habitués de la plate-forme, inquiets de ne plus pouvoir consulter séries, musique et autres produits culturels aussi aisément sur Internet, n’a pas donné suite à un mouvement d’adhésion. Les Anonymous ont bien riposté en réponse aux autorités américaines (“Le FBI n’a pas pensé qu’il pouvait s’en tirer comme ça, non ?”), l’ampleur du mouvement de soutien est bien moindre que celui qui avait accompagné, en son temps, WikiLeaks.

Benjamin Bayart, expert en télécommunications et défenseur de la liberté sur Internet, relativise : “faire tomber hadopi.fr, même un gamin avec un lance-pierres y arrive. Faire tomber Paypal en revanche [NDLR : le site de paiement en ligne avait été l’objet d’attaques après avoir stoppé toute collaboration avec WikiLeaks], ce n’est pas du même niveau. Au même titre que de nombreux militants en faveur des libertés sur Internet, qui dénoncent depuis longtemps les pratiques illégales et mafieuses de ce genre de plates-formes sur Internet, il souligne même la “très bonne nouvelle” que constitue la fermeture de Megaupload:

Je ne suis même pas certain d’être en désaccord avec la règle : Megaupload était objectivement mafieux. C’est une malfaisance pour la société, la police intervient, tant mieux. Par contre, je m’interroge sur les moyens déployés : pour fermer Megaupload, les autorités américaines ont mis en oeuvre des moyens supérieurs à ceux pour fermer Guantanamo. Le téléchargement illégal est donc jugé supérieur à la torture.

Le dispositif plus que la cible : voilà ce qui inquiète les observateurs attentifs du réseau. Du jour au lendemain, le site a disparu des cartes Internet, sous l’effet d’une décision unilatérale des autorités américaines. Et le couperet est tombé avec une simplicité déconcertante.

L’action, menée en collaboration avec une dizaine de pays à travers le monde, a justifié un communiqué de la Présidence française. Publié tard dans la nuit, la rapidité de la réaction officielle, ainsi que son ton solennel et autoritaire, ont surpris. Certains y ont même vu une erreur politique de la part de Nicolas Sarkozy. Ce qui est sûr, c’est que le chef de l’État a donné une valeur “impérieuse” à la fermeture d’un site bafouant le “financement des industries culturelles dans leur ensemble”. Officialisant ainsi, au même titre que les États-Unis, l’importance de la défense du lobby culturel sur Internet. En ce sens, la coupure de Megaupload peut être vue comme une nouvelle légitimation politique, spectaculaire et sans précédent, des intérêts du monde culturel face à ceux du réseau.

En France, le mouvement de Nicolas Sarkozy est éminemment électoraliste. Manoeuvre du pôle Culture de l’Élysée visant à répondre aux positions du candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, qui affirmait la veille face à des journalistes vouloir “la suppression d’Hadopi”, l’organe en charge de la protection des oeuvres sur Internet. Manoeuvre qui a forcé l’ensemble des candidats à considérer l’affaire Megaupload.

Les clés du net

La coupure brutale, mondiale et unilatérale de cette plate-forme pose une autre question : les États-Unis ont-ils les clés d’Internet ?

Le réseau, que l’on présente comme si difficile à atteindre, a ici été amputé d’une constellation de sites représentant 4% du trafic. Megaupload était l’un des 100 sites les plus consultés au monde. Tout sauf une broutille. Pour Benjamin Bayart, si la coupure est nette et facile, c’est en raison du caractère centralisé de Megaupload :

Megaupload était relativement facile à atteindre : le FBI a débranché tous les serveurs dans des pays où ils disposaient de bons accords. Même si le site avait des serveurs cache [NDLR : des serveurs qui rapprochent les contenus des utilisateurs] sur toute la planète et y compris en France, il suffit de couper la tête pour que ces serveurs ne servent plus à rien.

Au-delà de son caractère centralisé, sa fermeture relève néanmoins aussi de la “bonne volonté des pays”. “Les États-Unis sont intervenus sur les noms de domaines pour neutraliser ce site. Il suffirait de repérer les zones régies par les Etats-Unis et d’inciter les entreprises à aller sur d’autres zones pour leur noms de domaine. Et veiller à ce que l’Icann [NDLR: en charge de la gestion des noms de domaine] n’appliquent pas le droit américain du copyright sur toutes ces zones.”

Megaupload n’est donc pas l’hydre redoutable présentée dans les médias. D’autres sites en revanche, sont beaucoup plus redoutables pour les industries culturelles. “On peut fermer Megaupload. On ne peut pas fermer BitTorent”, poursuit Benjamin Bayart, évoquant une plate-forme populaire d’échange en peer-to-peer. “Pour couper BitTorent, il faudrait intervenir auprès de chacun des utilisateurs connectés. Et donc avoir plus d’agents fédéraux que d’internautes. Ça ne peut pas marcher. Et c’est injustifiable.”

C’est en ce sens que la Quadrature du Net, collectif militant pour la défense des droits sur Internet, voit en Megaupload la “créature” des “industries du copyright”. Un constat partagé par Benjamin Bayart : “cette mafia est le produit des ayant droits. Pas celui du réseau. Ils ont joué avec le réseau, voilà ce qu’ils ont obtenu.” A l’inverse du protocole peer-to-peer, Megaupload et consorts seraient ainsi des aberrations du net, centralisées et donc plus faciles à neutraliser pour les ayant droits. Même s’ils se reproduisent, ces monstres réticulaires sont toujours plus repérables et arrêtables que des millions d’individus interconnectés.

Pas besoin de MegaLoi

Ce qui pose la question des instruments juridiques utilisés pour lutter contre la diffusion illégale d’oeuvres protégées sur le réseau. Pour fermer Megaupload, les autorités américaines n’ont pas fait appel à des lois récentes. A peine font-elles référence au Digital Millenium Copyright Act qui date de 1998.

”On repasse à des moyens plus classiques d’action”, explique Cédric Manara, professeur de droit à l’EDHEC. Dans le cas Megaupload, les autorités s’appuient en particulier sur des procédures relatives au blanchiment d’argent, ou sur l’existence d’une Mega Conspiracy , conspiration qui correspond à une réalité dans le droit américain. Il reviendra à une cour de justice de se prononcer sur la validité de telles accusations.

En droit français, les ayant droits peuvent aussi s’appuyer sur un dispositif existant, l’article L 336-2 du code de la propriété intellectuelle, qui leur permet de demander au juge du tribunal de grande instance de mettre en place toute mesure appropriée pour faire cesser une atteinte à leurs droits. C’est sur la base de cet article qu’a récemment été décidé la fermeture du site de streaming Allostreaming.

Pourtant, dans le même temps, la législation sur les droits d’auteur à l’heure d’Internet continue d’enfler et est présentée comme terriblement complexe et difficile à mettre en oeuvre. Aux États-Unis, note Cédric Manara, sept nouvelles lois répressives ont été mises en place pour protéger les ayant droits au cours des quinze dernières années. Dernier exemple en date de cette inflation législative, les projets de lois Pipa au Sénat et Sopa à la Chambre des représentants, qui ont été reportés sine die. En France, l’Hadopi suscite toujours autant d’interrogation quant à son efficacité.

L’empire Hollywood attaque Internet

L’empire Hollywood attaque Internet

Aux États-Unis, les lobbyistes des industries culturelles soutiennent plusieurs projets de loi pour renforcer les moyens de ...

Encore une question d’architecture des sites explique Benjamin Bayart : “il est très compliqué d’agir sur Internet uniquement quand c’est décentralisé.”

La vulnérabilité de sites centralisés tel que Megaupload pourrait encourager un retour à l’échange de fichiers en peer-to-peer. La guerre entamée depuis les années 1990 contre ce protocole a sans doute provoqué une modification des usages vers le téléchargement direct ou le streaming. Quand Nicolas Sarkozy se félicitait d’une baisse de 35% des échanges de fichiers illégaux en France, Megaupload enregistrait une croissance de ses utilisateurs similaires. Et démontrait simultanément une autre réalité : les internautes, pressés par la peur du gendarme fliquant le peer-to-peer, se sont mis à payer pour accéder à des oeuvres sur Internet. En 5 ans, Megaupload a engrangé 150 millions de dollars grâce à ses comptes premium, facturés entre 10 et 80 euros.

Reste à faire en sorte que ces revenus potentiels reviennent aujourd’hui aux créateurs. C’est l’enjeu de la mise en place d’une offre légale structurée et efficace. Mais là encore, la partie est loin d’être gagnée. Si elle existe pour la musique, avec Itunes, Spotify ou Deezer, pour ne citer qu’eux, elle demeure lacunaire en matière de films et de séries. Sur Megaupload, il était possible de regarder une émission le lendemain de sa diffusion aux Etats-Unis. Pour légaliser cette éventualité, les ayant droits devront accepter de revoir la chronologie traditionnelle des médias, ou accepter la mise en oeuvre d’autres mécanismes de rémunération, comme la licence globale.

Options rejetées, pour le moment.

]]>
http://owni.fr/2012/01/21/megaupload-internet-apres/feed/ 60
Instantané de neutralité http://owni.fr/2011/06/27/instantane-de-neutralite/ http://owni.fr/2011/06/27/instantane-de-neutralite/#comments Mon, 27 Jun 2011 14:20:51 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=71470 C’est une première en Europe : les Pays-Bas viennent de protéger le principe de neutralité des réseaux dans la loi. Concrètement, cela se traduit surtout sur l’Internet mobile, espace où les atteintes à la neutralité ne sont ni discrètes, ni exceptionnelles. Les opérateurs téléphoniques se voient désormais interdits de tout blocage ou de toute surfacturation de service Internet comme la Voix sur IP (VoIP) dans le royaume.

Souvent cité en sa qualité d’acteur majeur de la VoIP, Skype s’est réjoui il y a quelques semaines de cette initiative qui était alors encore à l’état de projet, en appelant les utilisateurs européens à faire évoluer la situation chez eux :

Si vous rencontrez encore des difficultés à utiliser Skype sur n’importe quel service connecté à Internet, contactez votre FAI, contactez l’association de consommateurs locale, contactez le député européen de votre circonscription. Faites entendre votre voix afin que votre liberté sur Internet soit respectée.

La compagnie fait les frais des manœuvres des télécoms sur mobile dans la majorité des pays européens (voir notre “Carte des Internets européens”). En France, les trois opérateurs interdisent la voix sur IP, le Peer to Peer et les newsgroups. A moins bien sûr que le client concède à payer davantage, et encore, uniquement dans le cas de la VoIP – le reste étant exclu. Une option qui atteint les 15 euros par mois chez Orange. Une façon efficace de tuer la concurrence selon Skype et les autres. Avec, pour dommage collatéral, le réseau, et sa neutralité.

Mais l’offensive néerlandaise pourrait faire des vagues en Europe. “Les restrictions imposées par les Pays-Bas pourraient influencer le large débat entamé en Europe sur la neutralité des réseaux, poussant d’autres pays sur le continent à empêcher les opérateurs d’agir en tant que collecteur autoproclamé d’une taxe sur l’Internet mobile”, écrit ainsi The New York Times.

Le conditionnel reste néanmoins de mise, vu la prudence -si ce n’est la frilosité- de la Commission européenne à l’égard d’une protection offensive de la neutralité, en particulier dans le mobile. Pour ce qui est de la France, si celle-ci a longtemps été considérée comme précurseur en la matière (et ce notamment par ses voisins européens), elle risque fort de se faire distancer si ses premières réflexions n’aboutissent pas. Encore une fois, l’affaire reste à suivre et l’engagement des Pays-Bas fait figure de bonne piqûre de rappel.

L’occasion de rappeler, en une infographie issue du blog Internet & Moi du monde.fr (et légèrement enrichie), le principe même de neutralité: les tuyaux doivent rester bêtes. A la manière d’un facteur, les opérateurs n’ont pas à mettre le nez dans le flux transitant par leurs infrastructures. Interception, surveillance, modification ou ralentissement du flux dénaturent les fondements même d’Internet et sont, par là-même, inacceptables. Horizontal, acentré: c’est à ce titre que le réseau permet innovation et fourmillement d’informations.


Illustration et infographie CC S. Desbenoit

]]>
http://owni.fr/2011/06/27/instantane-de-neutralite/feed/ 60
Quelles différences entre les biens communs et le communisme ? http://owni.fr/2011/01/06/quelles-differences-entre-les-biens-communs-et-le-communisme/ http://owni.fr/2011/01/06/quelles-differences-entre-les-biens-communs-et-le-communisme/#comments Thu, 06 Jan 2011 07:30:20 +0000 Michel Bauwens http://owni.fr/?p=41125 Titre original : How does the idea of p2p and the commons differ from the socialist tradition?

Dans cet article du journal Pagina 12, le journaliste Mariano Blejman écrit que je mets sur le même plan le matériel ouvert et socialisme. Et c’est également le message qui semble être relayé aujourd’hui sur twitter.

Ceci n’est pas exactement ma position, et j’aimerais donc en profiter pour publier de nouveau un précédent article qui explique notre positionnement vis à vis du socialisme.

Quelle est la connexion entre la tradition historique du socialisme/communisme et l’émergence contemporaine des idéologies liées au peer to peer et des biens publics ?

Notre interprétation du communisme

Pour moi, le communisme est à la base l’idée qu’une société humaine alternative basée sur des relations d’égalité et sans héritage des richesses et des privilèges est possible. C’est quelque chose qui apparait et réapparait encore dans l’Histoire humaine comme une expression de ceux qui ne profitent pas des privilèges et de la structure sociale actuelle.

Un exemple probant est bien sur les communautés chrétiennes décrites dans Les Actes des Apôtres, mais c’est un thème récurrent dans l’Histoire.

De manière plus importante (et récente), le communisme a impulsé l’idée d’un mouvement ouvrier né au même moment que le capitalisme industriel, et qui pris plusieurs formes différentes telles que les utopismes socialistes expérimentales du XIXème siècle, les mouvements sociaux-démocrates ouvrier dominants du XXème siècle ou encore les mouvements anarchistes précédants la seconde guerre mondiale.

Malheureusement, après la révolution russe et la régression sociale issue de l’isolement économique, le communisme est devenu le prétexte à l’instauration d’une nouvelle classe dominante. Laquelle mit en place une nouvelle société basée sur sur le management étatique de la propriété, sur l’oppression, à l’image de l’Eglise qui utilisait jadis le Christ pour justifier un système féodal, hiérarchique et oppressant. Aujourd’hui, le communisme est totalement infecté par cette expérience historique d’oppression sociale.

Et le Peer to Peer ?

Le P2P est né d’une expérience humaine consistant à la création de biens communs numériques de connaissances, codes, designs, et ceci basé sur la contribution volontaire et la mise à disposition universelle. Cela a permi de réintroduire dans une large population la notion de participation commune.

Mais le P2P, c’est aussi l’expression sociale d’un nouvelle forme de travail à l’ère de la société de la connaissance. Après le capitalisme industriel et la dépossession totale de l’accès aux outils de production, les travailleurs retrouveraient ainsi le contrôle de leur outil de production, grâce aux ordinateurs et au réseau social internet.

Cette expérience se caractérise aussi par la gratuité, la participation libre et collaborative, ceci afin de produire des biens publics. Depuis la découverte de cette expérience combinant égalité et liberté (“égaliberté”) ainsi que la trans-individualité d’être connecté par des affinités, le désir d’étendre cette expérience à d’autres domaines de la vie augmente naturellement.

A la P2P Foundation, la théorie du P2P que nous essayons de promouvoir est simplement l’une des expressions de cette tendance générale, voire peut être de manière plus ambitieuse encore puisqu’il ne s’agit pas seulement d’implémenter partiellement les nouvelles valeurs et pratiques sociales (comme le font les mouvements du libre), mais sa généralisation à tous les domaines de la société.

Quelles sont alors les principales différences avec le communisme ?

Le peer to peer ne vise pas nécessairement à établir une société sans classe, mais à généraliser des pratiques déjà existantes. Bien sur, je serais très sceptique à l’idée qu’une telle société pourrait être réalisée. Par conséquent, les politiques de peer to peer sont un effort pragmatique pour étendre la portée des pratiques P2P. Ce qui ne veut pas dire que je n’envisage pas que cette nouvelle logique sociale puisse devenir le cœur d’un nouvel ordre social, mais ceci en cohabitation avec l’ordre social actuel. C’est en tout cas un effort qui vise à créer un monde plus libre, juste et égalitaire.

Le P2P n’est pas l’expression de la classe ouvrière, mais une nouvelle forme de travail cognitif. Cependant, cela ne concerne pas seulement les professions intellectuelles, mais les conditions humaines en général dans la société de la connaissance, ce qui pourrait donc potentiellement affecter la culture et l’idéologie à un niveau plus global.

Pour toutes ces raisons, le peer to peer n’est pas une continuation du socialisme ou du communisme mais une ré-élaboration de pratiques et théories émancipatrices dans le cadre de nouvelles conditions sociales.

C’est un nouveau départ et une reformulation des enjeux qui n’a pas de lien avec les traditions précédentes, même si il est naturel que ces efforts se penchent sur leurs antécédents historiques. En fait, le peer to peer n’est pas lié au communisme en tant que réforme de celui-ci, mais s’y réfère de la même manière que le christianisme était connexe au paganisme de l’Empire Romain. C’est à dire comme une trans-valuation de ses prémisses principaux. Entre autres choses, cela nous libère des querelles incessantes des sectes de gauche.

Mais bien sur, cela ne signifie pas que le peer to peer est complètement dissocié du contexte historique d’hier et d’aujourd’hui. Il n’est simplement pas redevable de la même tradition.

Pourquoi les biens publics ?

C’est autour de la question des biens publics que la différence avec les traditions émancipatrices antérieures est la plus manifeste.

Les mouvements ouvriers sont historiquement associés à un effort pour obtenir la propriété publique et/ou étatique ainsi que la régulation de l’économie (voire planification dans le cas du marxisme).

Le peer to peer et les biens communs correspondent à de la création directe de valeur par la société civile, ainsi que de nouvelles formes de gouvernance et de propriété qui s’y appliquent.

Les formes de propriété préconisées ne sont pas fondées sur la propriété privée ni sur l’appropriation des biens par l’Etat, mais sur le fait que les individus sont “copropriétaires”, ils ne sont pas exclus par qui que ce soit de l’accès à la valeur à laquelle ils ont contribué. Les individus et leurs propriétés ne disparaissent pas dans la collectivité représentée par l’Etat.

Les biens publics deviennent l’institution centrale de la nouvelle politique économique en lieu et place de l’Etat. Cette approche n’abolit pas la propriété privée mais limite sa portée en en faisant une forme de propriété secondaire dans l’allocation des biens rivaux, tout en limitant les externalités sociales et environnementales négatives.

Par ailleurs, l’approche par les biens communs n’abolit pas l’Etat, et n’en fait pas le seul responsable de la planification. En revanche, elle limite le rôle de celui-ci à la gouvernance de l’intérêt général, le faisant garant de l’équilibre entre les fonctions publiques, la société civile, et les entreprises privées. L’Etat pourrait être garant de cette nouvelle économie et éventuellement s’effacer progressivement, à mesure que la société civile devient suffisamment autonome et égalitaire pour prendre le relais.

Nous ne nous faisons pas d’illusions : ce processus peut prendre du temps. Néanmoins, nous pensons qu’une phase de transition d’à peine quelques décennies est nécessaire dans la mesure où la destruction de l’environnement et la dislocation sociale ne nous permettent pas de survivre longtemps dans la structure sociale actuelle.

Quelle est notre approche politique ?

Notre approche en tant qu’organisation représentante de ce mouvement n’est pas de remplacer les mouvements socialistes ou autres groupes politiques, mais de nous allier à eux qui luttent pour protéger le patrimoine de l‘Humanité et pour une meilleure redistribution des richesses. D’où l’idée d’une alliance triangulaire entre ceux qui luttent :

  • pour une culture libre et les biens communs
  • pour la protection de la biosphère
  • pour la justice sociale

– — –

Article initialement publié sur le blog de la P2P Foundation par Michel Bauwens ainsi que sur owni.eu

>> Photos flickr CC Jose A. Gelado ; Brocco Lee

Traduction : Stanislas Jourdan

]]>
http://owni.fr/2011/01/06/quelles-differences-entre-les-biens-communs-et-le-communisme/feed/ 8
Pascal Nègre : “On a une image d’hommes préhistoriques” http://owni.fr/2010/12/04/pascal-negre-on-a-une-image-dhommes-prehistoriques/ http://owni.fr/2010/12/04/pascal-negre-on-a-une-image-dhommes-prehistoriques/#comments Sat, 04 Dec 2010 00:25:46 +0000 Owni Music http://owni.fr/?p=37957 Lorsque Pascal Nègre sort un livre (Sans Contrefaçon, titre gracieusement accordé par son amie Mylène Farmer) qui revient sur sa carrière, de ses débuts sur une petite radio de la région parisienne à son ascension au poste de P-DG de la première major de France, l’occasion est trop belle. OWNImusic en a donc profité pour le rencontrer et l’interroger sur les questions qui animent voire secouent l’industrie dont il est une des incarnations emblématiques.

L’homme, affable, est relativement facile d’accès et accueillant. Du haut de son bureau du Vème arrondissement, nous abordons des sujets qui font polémique et parfois même fâchent. Si l’échange est parfois animé, M. Nègre nous assure qu’il n’est “jamais en colère, mais convaincu”.

Le parti pris de notre interview était moins de parler du livre et de l’auteur (sur lesquels vous pourrez trouver de nombreuses critiques plus ou moins élogieuses) que d’entendre les positions de l’un des hommes les plus puissants de l’industrie musicale en France. Une industrie qui, comme chacun sait, subit des mutations fondamentales.

Nous avons délibérément choisi de vous donner accès à l’intégralité de notre entretien [PDF], qui a duré près d’une heure quinze au lieu de la demi-heure initialement prévue. Preuve que même si nos avis divergent (et ce fut souvent le cas au cours de cet entretien), rien n’empêche d’échanger avec un chef d’entreprise souvent décrié.

Pascal Nègre, un homme affable

Nous rencontrons Pascal Nègre au cours d’une semaine qui s’annonce historique pour les charts anglais. L’ancien boysband Take That, reformé et revenu à son succès d’antan, a sorti son nouvel album quelques jours plus tôt et est en passe de battre les records de ventes pour une première semaine. Il s’en est finalement vendu 520 000 en sept jours, soit la meilleure première semaine depuis Be Here Now d’Oasis en 1997… un jackpot pour Universal, la maison de disques du quintette britannique. C’est un beau prétexte pour interroger leur patron sur cette différence notable entre anglais et français: pourquoi ceux-ci achètent-ils toujours autant de disques ? 

Les anglais ont une relation totalement différente à la musique. Posséder de la musique est quelque chose de culturellement fondamental.

“Alors évidemment après il y a des débats mais pourquoi ? Ça n’est en tout les cas pas parce qu’on a loupé quelque chose puisque c’était le cas dans les années 60, dans les années 70 et ainsi de suite. J’ai souvent abordé le sujet en demandant pourquoi. Certaines personnes ont une analyse assez originale qui consiste à dire que le 45 tours était un support surpopulaire en Angleterre dans les années 60, tandis qu’en France c’était un support acheté par les classes moyennes. Alors j’en rajoute un peu et je n’aime pas ces termes, mais la musique, c’était vraiment un truc de prolo en Angleterre. En France, ceux qui achetaient un 45 tours étaient dans la classe moyenne.

L’autre argument étrange consiste à dire qu’en France, nous avons toujours eu besoin pour développer des carrières d’artistes, d’avoir des textes alors qu’en Angleterre un ‘love me yeah yeah yeah’ on s’en fout complètement pourvu que ça bouge. La mélodie est plus importante.”

Certes, mais on peut s’interroger sur le virage du numérique, largement pris par nos voisins d’outre-Manche (et d’ailleurs), mais plus poussif chez nous. Monsieur Nègre ferait-il preuve de mauvaise foi lorsqu’il évoque “la taille du gâteau” pour expliquer les différences de chiffres entre les deux marchés ? Certainement. On ne saurait trouver satisfaisant le fait de vendre 7000 ou 8000 titres quand on est en pôle position des classements quand dans d’autres pays aux marchés comparables au notre le numéro 1 des charts réalise 100 000 ventes hebdomadaires.

Logique donc d’évoquer un thème que nous avons déjà largement abordé sur OWNImusic : l’éducation musicale. On pourrait imaginer que les patrons de majors prennent conscience qu’avec un système d’éducation musicale plus efficace, ils pourraient profiter d’un public plus cultivé, demandeur de musique et bénéficier ainsi d’un vivier d’artistes plus compétents. Pascal Nègre développe son analyse de l’environnement culturel dans lequel il évolue:

“Là, c’est un long combat et pourquoi [...] ? Eh bien parce qu’en France, le culturel, (ça veut dire le respectable) c’est évidemment la plupart du temps le livre. Et la France est un pays d’écrivains. Ensuite, c’est le film. Parce qu’historiquement la France, à juste titre d’ailleurs, depuis le Front Populaire, a mis en place des systèmes d’aide au cinéma pour que le cinéma français existe. Dans la musique, le culturel, c’est la musique classique. Je me rappelle de mes cours en cinquième ou sixième où on nous faisait écouter les grands œuvres classiques, ce qui est très bien d’ailleurs. Mais voilà, en Angleterre, les Beatles font partie du patrimoine, c’est aussi important que pour nous Victor Hugo. Mais alors là mon pauvre, pour changer les mentalités, y’a du boulot.”

L’analyse étant plutôt pertinente, nous osons interroger notre interlocuteur sur la possibilité pour les industriels de la musique de participer à l’amélioration du système de l’éducation musicale en France (voir notre entretien avec Didier Lockwood). “Alors on peut dire avec notre petit niveau ‘faites des efforts’…mais alors là… [...] J’explique dans mon livre que notre poids économique est faible [...]”.


Pascal Nègre est PDG de maison de disque et non conseiller du ministre de l’Éducation Nationale, il est bien plus loquace sur les thématiques orientées business. Nous abordons alors les sujets qui nous animent chez OWNImusic, parmi lesquelles le marketing et la monétisation à l’heure d’Internet. En commençant par le concept du “pay what you want” (ou prix libre), le chef d’entreprise se réveille : “ça ne fait pas rêver”, nous dit-il lorsque l’on prend l’exemple, pourtant positif, du groupe anglais Radiohead.

Moi je pense que la “vraie” révolution de la distribution numérique c’est l’abonnement.

“Donc à partir de ce moment là, le Pay What You Want n’a même plus de sens parce qu’en fait c’est, “paie un accès à tout ce que tu veux”. Ce n’est plus “tu paies pour telle création”, mais “tu paies pour avoir accès à toutes les créations et tu prends ce que tu veux”. Ça c’est le premier point, et le deuxième point qui est intéressant pour moi avec l’abonnement et en particulier avec tout ce qu’est en train de développer Spotify, c’est l’échange des playlists et donc c’est le partage, qui était la deuxième idée. La musique, c’est l’écouter et la partager.”

Alors que le peer-to-peer remet en question la notion de partage depuis une dizaine d’années, que signifie “partager” selon Pascal Nègre ? Il est assez clair que cela n’a rien à voir avec une idée d’échange à l’infini entre internautes consentants:

“Quand on partage, c’est volontaire. Je vais partager mon dîner avec vous et j’en suis ravi. Si vous déboulez chez moi et vous vous asseyez à ma table alors que je ne vous ai pas invité alors là, ça ne s’appelle pas du partage. [...] Ensuite [...], et c’est sûrement mon côté égoïste, mais je partage avec les gens que je connais. Donc [...] avec le Peer to Peer vous ne partagez pas.”

On est donc tenté de nuancer ce concept de partage et de le reconsidérer au côté de la notion plus appropriée de recommandation. Ce que M. Nègre lie à ce qui constitue pour lui l’avenir de la musique enregistrée : l’abonnement aux services de streaming. “(…) Moi, ce que j’aime, parce que dans les propositions d’abonnements (n’oubliez pas que ce marché digital il est tout jeune, il est tout petit) c’est que c’est prévu. C’est à dire que vous pouvez vraiment partager. Vous échangez des playlists et là, pour moi, il y a une notion de partage.”

On en vient enfin à saisir la vision de l’homme d’affaires sur le futur de son secteur. Comme si la bataille de la vente de musique en tant que produit d’appel était presque perdue, il nous explique:

[mon] métier aujourd’hui, c’est de vendre des disques et des téléchargements. Demain, ce sera que ce soit écouté.

La nuance n’est pas insignifiante, puisqu’elle induit la nécessité d’une réelle réflexion stratégique dont on peut douter que les majors aient pris la mesure.

“on a une image d’hommes préhistoriques, alors qu’on est à l’inverse des pionniers, c’est à dire qu’on est les premiers à avoir essuyé les plâtres, qu’on est en train de travailler, de trouver les modèles, à la fois de ‘comment je vais vendre, comment je vais diffuser et monétiser’, parce qu’on a besoin de ça, et parallèlement à ça, on est d’une modernité absolue dans la manière dont on travaille aujourd’hui, le community management… Pour vous dire, ça fait un certain nombre d’années que ça existe chez nous, comment on travaille, comment on crée des blogs, comment on fait monter la sauce…”

Pas franchement convaincus malgré la verve certaine de notre hôte de la matinée, nous continuons à croire que les majors tâtonnent encore dans leur appréhension du digital, plus de dix ans après l’apparition de Napster et consorts. Si les initiatives valorisant les contenus (telle la web TV “OFF”, lancée par Universal cette année, qui propose du contenu exclusif de ses artistes) commencent à apparaître, elles restent des initiatives isolées et bien tardives. La justification de ce retard, si elle peut sembler sincère s’avère quelque peu maladroite :

Créer des contenus, c’est facile, mais si à un moment je crée des contenus et que ça me coûte une fortune… [...] Effectivement, Off c’est peut être pas très original mais j’ai l’impression qu’on est les premiers à faire ça…

Si nos avis respectifs divergent quant aux nouveaux usages, nous restons persuadés que la notion de monétisation, et par là-même la rémunération des artistes et le maintien d’une réelle économie autour des contenus culturels, est le nerf de la guerre dans ce débat.

Sur le chapitre primordial de la monétisation des contenus et de la rémunération des ayant-droits, M. Nègre s’inscrit en farouche opposant à la licence globale. “Il y a deux raisons. D’abord, en tant que citoyen, je ne vois pas pourquoi on me taxerait alors que je n’écoute pas de musique [...]”

“Deuxième raison : ca favorise qui ? Les gros. Alors vous allez me dire, ‘vous êtes complètement crétin, vous êtes la plus grosse maison de disque avec les plus gros artistes, vous pourriez en profiter’. Oui, mais non. Parce qu’on est le premier producteur de musique classique dans le monde, premier producteur de jazz dans le monde, on est le plus gros producteur de nouveaux artistes dans le monde. On est la maison de disque, en France et à l’international qui signe le plus de nouveaux artistes.” Ici, M. Nègre fait allusion au système de répartition des revenus liés à l’exploitation de la musique, qui, dans le cadre d’une licence globale, s’effectuerait par le biais de sondages effectués auprès des internautes. Nous ne pouvons nous empêcher de constater que la répartition actuelle des droits perçus auprès des radios et autres usages publics sont approximatifs et dépendent largement de la bonne foi des déclarants.

Allez, accordons tout de même au patron l’intention “louable” de maintenir un certain niveau de diversité au sein de sa major. Croyez-le ou pas, Universal ce n’est pas que les vaches à lait de type Black Eyed Peas ou Mylène Farmer :

Chez nous et il y a pleins de disques qu’on vend à trois-cents exemplaires et j’en suis très fier parce que ça fait partie de mon travail éditorial, c’est à dire de position par rapport à la création, à la culture… et la culture c’est la diversité.

On entend souvent que les revenus générés par le live constituent une planche de salut pour les artistes. Pourraient-ils alors envisager de délaisser les enregistrements studio, et, cassant le modèle traditionnel, se contenter de tourner sans fin pour aller chercher l’argent là où les consommateurs veulent bien encore le mettre, sans possibilité de piratage ?

Évidemment nous nous devions d’évoquer l’HADOPI, qui même si elle n’est pas le fait des seules majors, ne pouvait être ignorée dans cet entretien. La loi, dont on ne peut objectivement pas mesurer les résultats pour le moment, et au moment où les plateformes légales développées en parallèle commencent à faire leurs preuves, constitue l’un des sujets que Pascal Nègre a incarné en raison de sa position tant professionnelle que médiatique. M. Nègre commence par une mise au point sur la genèse de la loi :

“Excusez-moi mais HADOPI, ce ne sont pas les majors. Ce sont des députés, des sénateurs qui ont mis deux ans pour la voter. Parce qu’entre les accords de l’Elysée, c’est logique, il n’y a pas que la musique, il y a le film, le cinéma, la télé et excusez moi mais les fournisseurs d’accès aussi sont comptés dans cette liste. Donc voilà, premier point. Deuxième point, l’HADOPI, c’était l’idée que l’Etat officiellement dise ‘attention, pirater, ce n’est pas légal.’ C’est un point qui est important et visiblement, il y a des gens qui l’ont entendu. Il s’agit, à un moment, de dire ’si vous voulez que la création existe, il faut qu’elle soit financée et à un moment, aller pirater, c’est pas terrible’.”


Ainsi que nous nous y attendions, il nous prône la dimension pédagogique de la loi. Celle-ci s’attaquant avant tout aux réseaux de peer-to-peer, des moyens de piratage déjà obsolètes, détournés voire supprimés (dans le cas de Limewire par exemple), la légitimité d’engager de telles dépenses aux frais du contribuable est-elle vraiment justifiée ?

“Dix millions, vous trouvez ça beaucoup pour sauver une industrie dans laquelle 75 000 français travaillent ? (…) [Il y a] cinq millions de personnes qui travaillent dans le milieu culturel en Europe. Cinq millions de personnes qui sont liées à la création de contenus, c’est gigantesque. Et se poser la question de la piraterie c’est aberrant ? Non, ce n’est pas aberrant. (…) Moi je vois de la pub en permanence sur l’artisanat donc voilà, ça ne me choque pas de voir de la pub sur “attention, la création a un sens, elle a une valeur”.

Cette somme n’aurait-elle pas pu être investie dans l’innovation technologique, servir à développer des services légaux appropriés, qui dès qu’ils sont suffisamment qualitatifs et adaptés aux usages, détournent automatiquement les éventuels “pirates” des téléchargements illégaux ? La réponse fuse :“Je veux bien que l’État finance de l’innovation technologique et je trouve ça très bien. Mon angoisse, c’est que malheureusement, l’innovation technologique ne vient pas de chez nous.” (…) Quand vous voyez que vous êtes sur Deezer, sur FNAC.com et Itunes.com en France, et qu’il y en a un qui n’a pas le même taux de TVA que l’autre…” L’innovation technologique n’est en effet pas taxée aux États-Unis comme elle l’est en Europe.

Nous avons rapporté ici les points fondamentaux de notre long entretien avec Pascal Nègre. Nous vous invitons à en lire la retranscription complète [PDF].

Interview réalisée et éditée par Lara Beswick et Loïc Dumoulin-Richet.

Illustrations CC FlickR par Jonathan_W, Beverly & Pack,Steve.M~, ottonassar

]]>
http://owni.fr/2010/12/04/pascal-negre-on-a-une-image-dhommes-prehistoriques/feed/ 16
« Hackez la ville ! » – Les conseils d’un pirate en colère http://owni.fr/2010/11/29/%c2%ab-hackez-la-ville-%c2%bb-%e2%80%93-les-conseils-d%e2%80%99un-pirate-en-colere/ http://owni.fr/2010/11/29/%c2%ab-hackez-la-ville-%c2%bb-%e2%80%93-les-conseils-d%e2%80%99un-pirate-en-colere/#comments Mon, 29 Nov 2010 12:24:23 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=37444 Ne parlez plus de Génération Y, mais de “Génération G” comme Généreuse.  C’est ce que nous explique trendwatching.com, relayé par l’excellente newsletter de Curiouser qui y voit “l’émergence d’une culture digitale du partage, où les individus échangent, donnent, s’engagent, créent, collaborent. Selon une récente étude “The new sharing economy“, les médias sociaux seraient le catalyseur d’une économie de partage offline“, annonçant le passage “d’une économie de la propriété vers une économie de l’accès.

C’est joli, peut-être un peu trop pour être totalement entendu par certains, mais qu’importe : il s’agit d’ores et déjà d’une réalité pour de nombreux territoires, qui les encadrent voire les promeuvent (on pense au vélo en libre service). Tous les secteurs sont en passe d’être touchés : de l’automobile (covoiturage, autopartage, stationnement) aux espaces de travail (tiers-lieux ouverts, espaces de co-working), en passant par les vêtements, les appareils électroménagers et bien entendu les contenus média, qu’ils soient physiques (exemple avec le “bookcrossing“)… ou numériques.

Tous ? Non ! Quelques irréductibles se refusent à abandonner leur droit de propriété (malheureusement pour eux) ; suivez mon regard, vous voyez de qui je veux parler. Les lobbys fourbissent donc leurs armes, obsolètes avant même de voir le jour (cf. Hadopi). C’était sans compter sur la résistance du camp d’en face ; car côté « pirates » aussi, on s’active. Certains développent de nouveaux outils de téléchargement plus discrets, d’autres diffusent des manuels permettant de contourner les mouchards… et d’autres enfin envisagent de redonner du sens à l’expression “pair à pair“.

Afin de contourner les restrictions croissantes au partage de fichiers en ligne, l’artiste berlinois Aram Batholl a décidé de sévir en concevant le projet “Dead Drops” : puisqu’il est illégal de partager sur la Toile, partageons dans la rue ! Le projet n’est finalement qu’une version “extended” du bon vieux partage de K7/VHS/CD gravé – biffez les mentions inutiles -, et c’est aussi simple que génial :

“Dead Drops” is an anonymous, offline, peer to peer file-sharing network in public space. USB flash drives are embedded into walls, buildings and curbs accessable to anybody in public space. Everyone is invited to drop or find files on a dead drop. Plug your laptop to a wall, house or pole to share your favorite files and data. Each dead drop is installed empty except a readme.txt file explaining the project. “Dead Drops” is open to participation. If you want to install a dead drop in your city/neighborhood follow the ‘how to’ instructions and submit the location and pictures.

Traduction approximative :

“Dead Drops” est un réseau de partage de fichiers de pair à pair (P2P), anonyme et offline, prenant place dans l’espace public. Des clés USB sont intégrées dans les murs de la ville, et accessibles à n’importe qui. Chacun est invité à déposer ou à récupérer des fichiers en connectant son ordinateur portable à un “mur”. Chaque clé USB est installée sans données, à l’exception d’un fichier-texte expliquant le projet. “Dead Drops” est un projet ouvert. Si vous souhaitez installer une clé dans votre ville, suivez le guide, puis partagez la localisation et des images de l’installation.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La première clé USB a été installée à New York en octobre dernier. On compte aujourd’hui cinquante-trois clés dispersées à travers le monde, principalement en Europe et aux États-Unis, pour environ 137 Go de mémoire prête-à-partager.

Soyons chauvin : on en compte trois sur le fier territoire parisien ! La première a été installée dans le jardin du Carrousel, une autre trône dans le 14ème sur un mur coloré ; last but not least, une clé s’est camouflée sur le Pont des Arts, au milieu des centaines de cadenas accrochés là par les touristes amoureux. Ou quand la poésie se greffe à l’acte militant.

Et maintenant, à nous/vous de jouer ! Laissez parler votre cœur de pirate énervé… :-)

Merci à T-Raf, chez qui j’ai pioché l’idée :-)

Billet initialement publié sur pop-up urbain

Image Dead Drops

]]>
http://owni.fr/2010/11/29/%c2%ab-hackez-la-ville-%c2%bb-%e2%80%93-les-conseils-d%e2%80%99un-pirate-en-colere/feed/ 0
Limewire : un zeste de mauvaise foi ? http://owni.fr/2010/11/10/limewire-un-zeste-de-mauvaise-foi/ http://owni.fr/2010/11/10/limewire-un-zeste-de-mauvaise-foi/#comments Wed, 10 Nov 2010 16:24:29 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=27841 Limewire est (ou plutôt était) l’un des softwares de partage de fichiers les plus populaires de ces dernières années. Évoluant sur un fil plus que ténu légalement parlant, la plateforme a finalement du rendre les armes. Enfin presque.

La fermeture de Limewire, c’est un peu le feuilleton du moment. Obligé de cesser son activité le 27 octobre dernier suite à une injonction judiciaire consécutive aux plaintes de nombreux labels pour infraction au droit d’auteur, le logiciel de peer-to-peer, a vécu une renaissance pour le moins inattendue.

Des développeurs ont en effet piraté (eheh) le code source du programme pour créer “Limewire Pirate Edition”, qu’ils ont ensuite placé sur des plateformes telles que The Pirate Bay. Sauf qu’aujourd’hui, Limewire exige le démantèlement de son enfant non-désiré en des termes choisis qui ont de quoi faire sourire, puisque s’adossant sur l’usage abusif de la propriété intellectuelle et sur le téléchargement illégal d’œuvres régies par le droit d’auteur :

“Nous venons d’apprendre l’existence d’applications web telles que “LiweWire Pirate Nation” utilisant le nom de Limewire. Nous exigeons que toute personne utilisant le programme, le nom ou la marque déposée “LimeWire” dans le but de poster ou télécharger des fichiers soumis au droit d’auteur de quelque manière que ce soit cesse immédiatement ses agissements. Nous vous rappelons de plus que l’échange ou le téléchargement non-autorisé de données protégées par le droit d’auteur est illégal.”

Se justifiant en invoquant sa volonté de se conformer à la décision de justice qui l’a frappé, Limewire fait figure de mauvais perdant. Si le service a annoncé travailler à l’élaboration d’un système légal en collaboration avec les différents acteurs de l’industrie de la musique, on a du mal a être convaincu par ce changement radical de cap. Sans compter que la mode des logiciels de peer-to-peer est mise à mal par l’avènement des services de partage de fichiers plus pratiques et ne nécessitant aucune installation de software tels que Megaupload, Mediafire et consorts. Entre peur du gendarme et mauvaise foi caractérisée, il semblerait que le citron ait définitivement perdu tout son jus…

Crédits photos : FlickR CC lute3d / LDR

]]>
http://owni.fr/2010/11/10/limewire-un-zeste-de-mauvaise-foi/feed/ 3