Pour 2030, Standard & Poor’s envisage un monde de dettes insolvables

Le 17 octobre 2010

Envisagé par un rapport de l'agence Standard & Poor's, l'effondrement de la note des Etats est déjà présenté par certains, dont Jacques Attali, comme un spectre qui justifie toutes les coupes budgétaires pour éviter la banqueroute.

« Nous vivons à crédit », répète le gouvernement Fillon pour faire passer la réforme des retraites. Or, il oublie systématiquement deux précisions importantes : le taux n’arrête pas de changer… et ce n’est pas nous qui le fixons ! Loin de l’Elysée et des sièges du Cac40, trois agences dictent, elles aussi, leurs exigences au marché du travail, attribuant des « notes » plus ou moins bonnes aux Etats ou aux entreprises. Selon qu’ils s’organisent ou non pour rembourser leurs dettes, ils reçoivent des séries de lettres de AAA (très sûr et solvable) à BBB ou moins. Cette dernière catégorie étant appelée « speculative grades » (notes spéculatives), pour indiquer à ceux qui voudraient miser sur ces dettes qu’ils risquent de ne pas revoir leur argent. Car, c’est là leur principal travail : ces agences orientent les investissements sur dettes.

Or, à l’occasion d’un rapport sur le vieillissement de la population mondiale mis en lumière par le blog Alphaville du Financial Times, Standard & Poor’s a avancé une hypothèse de travail : et si, à terme, plus aucun Etat n’obtenait la note « AAA ». Autrement dit : et si tous les Etats du monde devenaient insolvables au yeux du système financier international? Le plus intéressant n’est pas de voir que les agences de notation envisagent l’effondrement des notes des Etats sous dix ans mais plutôt de pointer les critères :

Selon notre premier scénario, supposant qu’aucun choix de politique publique ne soit fait pour contrer la pression fiscale induite par la démographie, le glissement général des notes souveraines est prévu en 2020, s’accélérant en 2030 et par la suite.

Dès le titre du rapport en question, la posture est claire  : « vieillissement mondial 2010 : une vérité irréversible ». « Le service notation de Standard & Poor’s juge que le coût de prise en charge de cette population [les plus de 65 ans] influera profondément sur les perspectives de croissance et dominera le débat mondial sur les politiques en matière de finances publiques », renchérit l’introduction.

En 2050, deux Etats solvables : la Norvège et l’Arabie Saoudite

Les auteurs du rapport n’y vont pas par quatre chemins : jugeant le vieillissement de la population « insoutenable en l’état des politiques publiques », ils invitent ouvertement les gouvernements à réformer leurs systèmes sous peine de voir leurs notes dégradées. Petite lueur d’espoir : à l’horizon 2050, S&P envisage tout de même que deux pays continueront d’être solvables. En l’occurrence : la Norvège et l’Arabie Saoudite.

Pourcentage de la dette publique par rapport au PIB.

Comme le décryptaient déjà très justement nos collègues de Fakir, les agences de notation s’octroient désormais un rôle de juge sur les politiques publiques : les Etats qui feraient preuve de trop de prodigalité sociale sont menacés de « dégradation ». Une logique perverse puisqu’elle encourage la réduction de prestations sociales parfois vitales à la consommation et d’investissements publics essentiels à certaines entreprises, pouvant mener à une baisse de la production et donc des rentrées fiscales… faisant croitre la dette des Etats ! Paradoxe absolu : en empruntant massivement pour renflouer les banques, les Etats sont devenus ultradépendants des agences de notation, dont le manque de prévoyance avait causé la crise financière !

Attali : ambassadeur de la panique des dettes souveraines

La question est cependant prise très au sérieux par certains conseillers en vue : en présentant son nouveau « rapport », Jacques Attali ne porte ni un autre message, ni d’autres méthodes. Seul objectif affiché : passer sous les 3% de déficit public, quoiqu’il en coûte.

Gèle du point d’indice des fonctionnaires ;
Participation financière des malades en affections de longue durée (cancers, diabète…) ;
Déremboursement de médicaments ;
Extension du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux aux services de la sécurité sociale et des collectivités locales ;

D’autres mesures visent à rogner certaines niches fiscales pour un rééquilibrage de l’effort, mais la majeure partie des mesures d’austérité s’applique à des millions de Français (TVA, fonctionnaires, malades, etc.). Face à un Etat dont il juge qu’il « frôle la faillite », Attali reprend (comme à son habitude) les principes de son précédent livre au titre presqu’aussi équivoque qu’un rapport de Standard & Poor’s : « Tous ruinés dans dix ans ? »

Que ce nouveau rapport ait ou non un écho, son sujet risque d’occuper une bonne partie de la campagne présidentielle à venir. L’argument sera envoyé comme un Scud sur les lignes de gauche par l’UMP, comme il l’est déjà à l’Assemblée nationale sur le débat portant sur les retraites : comment financer une politique d’Etat providence avec la dette accumulée pour sauver le système bancaire ? Raison de plus pour considérer la question de la dépense publique face à l’augmentation de la dette comme l’un des premiers enjeux de la critique du sarkozysme après la crise.

Illustration : CC Wikicommons Baronett et FlickR CC stuartpilbrow.

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