Majorité échange débat contrarié contre pédagogie de la réforme

Le 18 octobre 2010

Embarrassée par le mouvement social, la majorité compte miser sur plus de « pédagogie ». En clair? Les ministres s'apprêtent à matraquer de phrases toute faite pour noyer le débat, jugeant qu'il faut être mal informé pour refuser la réforme.

Depuis quelques jours, le gouvernement est face à un dilemme : résolu à ne pas modifier sa réforme des retraites, il se trouve incapable de changer les Français. Malgré mille stratégies de communication pour faire passer la pilule (qu’elles aient vanté la « justice sociale » ou le caractère « indispensable » de la réforme), l’opinion rechigne à accepter la réforme et la majorité se trouve incapable d’empêcher les manifestations d’être reconduites d’une semaine sur l’autre. Pour sauver la face, Frédéric Lefebvre (lobbyiste de formation) a donc dégainé un refrain un peu usé du sarkozysme : le besoin de « pédagogie » de la réforme.

Idée 1 : si vous êtes contre la réforme des retraites, c’est que vous ne l’avez pas comprise !

Derrière le mot « pédagogie », deux notions assez peu glorieuses se cachent : d’une part, une infantilisation de l’opinion publique, suivant l’idée que « ils s’opposent à cette réforme car ils ne l’ont pas compris ». Dès le lendemain de la manifestation du 7 septembre, François Fillon avait été envoyé pour « faire de la pédagogie ». Le 23 septembre, au soir de la seconde grande manifestation, c’était au tour du président du Sénat, Gérard Larcher, hôte du deuxième vote parlementaire sur la réforme des retraites, de plaider pour la pédagogie. Et, au cas où certains journalistes auraient eu l’idée saugrenue de critiquer le gouvernement, Nicolas Sarkozy lui-même s’était collé à « faire de la pédagogie » en juin dernier auprès des médias.

Idée 2 : noyer le débat sous un déluge de nouveaux mots

Passée cette idée selon laquelle il faut vraiment être abruti ou mal informé pour ne pas adhérer aux réformes proposées par le gouvernement, une méthode est là comme deuxième sous entendu de ce mot pédagogie : le « wording ». Début 2008, l’UMP avait édité un fascicule relié intitulé : « abécédaire des 9 premiers mois d’action de Nicolas Sarkozy (de François Fillon et du gouvernement ».

Malheureusement retiré du nouveau site de l’UMP (mais toujours disponible sur Marianne2), ce petit bijou de langue de bois compilait des dizaines de sujets-clés assortis d’argumentaires-types, étiquetés « à retenir » (voir ci-dessus) à destination des militants de droite pressés par leurs amis de gauche de justifier telle ou telle réforme. Soit la méthode exacte de communication du gouvernement qui, à chaque évènement politique majeur (à commencer par les élections) déploie tous ses éléments pour couvrir le champ médiatique d’arguments standardisés. Ce à quoi nous allons avoir droit sur la réforme des retraites : une poignée de formules calibrées répétée à l’infinie par les ministres et les membres de la majorité.

Or, ce matraquage n’est là que pour se substituer à la discussion que demandent les syndicats et au débat qu’exige le Parti socialiste. La « pédagogie » de Frédéric Lefebvre n’est qu’une énième tentative de noyer à grands mots les réfutations et critiques de l’opposition, sans rien changer à la lettre de la loi. Une démarche d’autant plus paradoxale que, à entendre François Fillon, la loi sera votée dès mercredi. A moins que le gouvernement ne soit pas si sûr de son fait et veule finalement plus se bercer lui-même que d’endormir les manifestants.

Photo FlickR CC Lucas Maystre et extrait de l’Abécédaire des 9 premiers mois d’action de Nicolas Sarkozy (de François Fillon et du gouvernement.

Retrouvez le dossier intégral d’OWNI sur les mobilisations de ces dernier jours

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