Hadopi vous présente ses meilleurs voeux

Le 13 janvier 2011

Une année qui démarre en fanfare pour les "dinosaures" de la Haute autorité, qui ont annoncé hier l'armement de la deuxième étape de la riposte graduée, revenant au passage sur sa cible: adieu les "négligents", retour aux "téléchargeurs".

Cotillons, réveillon, résolutions; la Haute autorité pour la diffusion des Å“uvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) n’y échappe pas: pour elle aussi, c’est l’heure du bilan et des vÅ“ux. Le rituel s’est déroulé hier dans une minuscule salle de la rue du Texel, à l’occasion d’un premier “point d’étape”: synthèse des opérations, revues des troupes, l’Hadopi a également profité de ce début d’année pour annoncer la seconde étape de la riposte graduée.

“Le début de la phase pénale”

Marie-Françoise Marais, présidente de la haute autorité, Eric Walter, son secrétaire général et Mireille Imbert-Quaretta, en charge de la Commission de Protection des Droits (CPD), le “bras armé” de l’Hadopi, souhaitent ainsi une heureuse année aux négligents récidivistes (ou récidivistes négligents, c’est selon). C’est officiel, ceux-ci devraient faire l’objet d’une deuxième salve de mails d’avertissement qui se verront cette fois doublés d’une lettre recommandée avec accusé de réception. La lettre-type [PDF], présentée à cette occasion, compile volets répressifs (partie “recommandation”) et informatifs (listing des droits).

Cette nouvelle étape marque “le début de la phase pénale”, a souligné la présidente de la CPD, déclarant que les premiers mails répondaient avant tout à la mission “pédagogique” de l’Hadopi.

On passe donc aux choses sérieuses, Mireille Imbert-Quaretta indiquant sans plus de précisions que des internautes coupables de “négligence caractérisée” ont été repérés une deuxième fois:

Des itérations ont déjà été repérées.

L’Hadopi enclenche la vitesse supérieure et annonce également par la voix de sa présidente que si 2010 était l’année de “la construction juridique et administrative”, “2011 sera l’année de la labellisation des offres légales”. Reste qu’avant de lister les sites qui s’engageront à “respecter les droits d’auteur” [PDF], un premier bilan de l’avancement des travaux en cours s’impose.

“Nous n’aurons plus aucune limite !”

Sur le plan répressif, le triumvirat hadopien refuse d’évaluer son action, estimant qu’un délai de 18 mois est nécessaire pour juger de l’efficacité de la riposte graduée. En revanche, il se félicite de ses premiers pas. Avec “2000 recommandations jour”, soit “70 000 mails d’avertissement” depuis l’enclenchement de la machine le 1er octobre dernier, Mireille Imbert-Quaretta estime que les “objectifs sont atteints”.

Pourtant, les résultats sont encore bien loin des 10 000 envois quotidiens annoncés au préalable. Qu’à cela ne tienne, ce retard à l’allumage est “volontaire” et a laissé place à une véritable “montée en charge” qui devrait permettre d’atteindre le but initial au courant de l’année, annonce la présidente de la CPD. Mieux, avec une révision de la procédure, les bornes quantitatives devraient même s’envoler, toujours selon Mireille Imbert-Quaretta:

D’ici à la fin de l’année, nous n’aurons plus de limites ! Nous ferons ce que nous voulons !

Un enthousiasme qui risque fort d’être contrarié par quelques “problèmes d’ajustement”, venus gripper la lourde machinerie du bras armé d’Hadopi, et que reconnaît d’ailleurs volontiers l’autorité administrative. Mails d’avertissement “obliques” (comprenez par là que leur lecture n’est pas facilitée par l’angle d’inclinaison du document) ou doublon dans les saisines des ayants droit: la riposte graduée n’est pas tout à fait rodée et doit encore s’affuter.

Pour ce faire, discussion et conciliation sont privilégiées dans les cas ambigus, a encore fait valoir Mireille Imbert-Quaretta, qui tente de donner un visage humain à sa commission, qui traîne comme un boulet l’image d’une usine à gaz.

Logiciels de sécurisation: “on n’en a rien à faire”

“Moyens de sécurisation”, ça vous dit quelque chose ? Mais si: cette liste d’outils permettant de sécuriser son accès à Internet, afin de les conseiller aux internautes, et qui n’a de cesse d’être reporté. Pour ne pas déroger à la règle, sa finalisation vient une nouvelle fois d’être décalée dans un temps futur et incertain. Un nouveau document, définissant les spécifications de ses moyens, va être rédigé et “mis à consultation d’ici la fin du mois”, a précisé Éric Walter.

Bonne nouvelle néanmoins, cette redéfinition devrait accorder une place plus importante à l’usager. Les solutions “installées au cÅ“ur du réseau” et qui échapperaient à son contrôle sont a priori exclues et le code du logiciel devrait être en open source. Autre geste en faveur de l’internaute: le journal qui répertorie ses faits et gestes, qui a valu le délicat surnom de “mouchard” aux logiciels de sécurisation, pourra au choix: ne pas exister, être en clair, ou bien encore sécurisé – autrement dit, verrouillé. Reste à voir comment -et quand- vont se déployer ces mesures, qui ne convainquent pas les plus réticents, pour qui ce projet reste un cheval de Troie menant tout droit au filtrage.

Il faut dire qu’il est de plus en plus difficile de saisir l’utilité de ces moyens de sécurisation. Et l’Hadopi n’y aide pas vraiment. Du côté de la CPD, c’est désormais clair:

Les moyens de sécurisation, on n’en a rien à faire. C’est indépendant de la contravention pour négligence caractérisée.

A l’origine pourtant, lors d’Hadopi I, ces outils devaient permettre de dédouaner l’internaute pris dans le collimateur de l’Hadopi. Car, comme l’énonce Mireille Imbert-Quaretta:

La Haute Autorité ne sanctionne pas les pirates, mais la négligence caractérisée.

Autrement dit, le fait de ne pas sécuriser sa ligne et de se retrouver en conséquence avec des Å“uvres piratées sur son ordinateur. Si déjà avec la deuxième version de la loi, le lien entre moyens de sécurisation et constitution de négligence caractérisée était rompu, il n’empêche que l’installation de ces logiciels de sécurisation constituait encore un bon point pour le contrevenant. Aujourd’hui, c’est fini et il est grand temps que nos “cerveaux reptiliens” oublient Hadopi I, lance Mireille Imbert-Quaretta.

Pourquoi alors s’évertuer à faire (et à annoncer) une liste de moyens de sécurisation ? Une partie de l’Hadopi pédalerait-elle dans le vide ? Silence. Rires. Réponse:

Il n’est pas absurde qu’une autorité administrative s’intéressant au net préconise l’installation de logiciels de sécurisation. Vous n’êtes pas sans savoir que c’est indispensable de nos jours, avec le commerce en ligne, tout ça…

Amis internautes, dormez sur vos deux oreilles: le logiciel de sécurisation ne vous aidera peut-être pas à vous dépêtrer de la riposte graduée, mais il vous protégera d’Internet -insistance sur la majuscule démiurgique. La Haute autorité dépasse donc ici ses attributions et va même plus loin, en reconnaissant finalement… que ce sont bel et bien les pirates qui sont dans son viseur:

On a beau être des dinosaures, on n’est pas niais ! La majorité des gens qu’on attrape sont des téléchargeurs.
Mireille Imbert-Quaretta

Ah. D’accord. Bye-bye “négligence”, “défaut de diligence dans le maintien opérationnel du dispositif de sécurisation”. Retour aux fondamentaux. Retour aux pirates.

C’était bien la peine de se donner tout ce mal.

Pour le roman-feuilleton dans son intégralité, lire Le Cahier Hadopi 2010

Illustrations: photo Marc Rees ; CC Flickr: Trish Hamm, mrmanc

Image de Une par Loguy

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés